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Voici un petit livre précieux qui à la fois résume d’une manière dynamique la démarche spirituelle de Marcel Légaut et ouvre des perspectives pleines de promesses sur l’avenir de la pensée de l’universitaire brillant devenu à 40 ans berger au cceur de la montagne dioise par fidélité intérieure.

Thérèse de Scott, qui a longuement fréquenté Marcel Légaut durant les vingt dernières années de sa vie, a déjà publié plusieurs livres sur son oeuvre. Elle excelle à nous faire sentir la nouveauté de sa pensée, toute en nuances et pourtant fortement unifiée. Le « génie » de Légaut fut en effet de repenser son christianisme dans la modernité où s’est déroulée sa longue existence (1900-1990). En ce sens, il apporte une contribution de grande valeur dont on n’a peut-être pas encore pris toute la mesure, tant « la révolution copernicienne » qu’il a vécue dans son propre cheminement et qu’il propose aux hommes et aux chrétiens de notre temps remet en cause une approche traditionnelle de la foi en soi, en Jésus et en Dieu qui n’est plus crédible pour beaucoup de nos contemporains. Pour lui, en effet, le point de départ d’une vie spirituelle chrétienne ne peut plus être une doctrine extérieure sur l’homme, Dieu et Jésus, mais une démarche personnelle où l’homme engage son être tout entier : interrogation sur le sens de sa propre vie et conduite de son existence dans une recherche d’authenticité. Au coeur de ce cheminement exigeant, il peut alors pressentir des signes de la présence inspirante qu’il appelle Dieu sans pouvoir la définir davantage, tout en entretenant avec elle une intimité profonde. Le témoin par excellence de cette expérience, où l’homme s’accomplit et fait l’approche de son Dieu, est, pour Légaut, Jésus de Nazareth, l’être en marche, l’être ouvert, l’être accompli, dont il n’a cessé de sonder, à partir de son évolution intérieure, la qualité d’existence.

Tel est l’essentiel de la démarche spirituelle chrétienne de Légaut, par rapport à ce qu’il appelle l’indispensable qui a trait à l’organisation ecclésiale. Cet indispensable n’est pas secondaire mais second et n’a de raison d’être que pour servir l’essentiel.

Elle est aussi la dimension universelle de la pensée de Légaut, fruit de sa vie de foi. Légaut aimait à dire que l’universel est dans le singulier au sens où l’expérience particulière est vécue avec authenticité et fidélité. L’oeuvre du berger des Granges, née dans un coin perdu de montagne, s’offre aujourd’hui, dans notre époque d’ultra-modernité, comme un chemin pour ceux qui cherchent avec droiture le sens de leur existence dans l’épaisseur de leur vie quotidienne et parmi eux tout spécialement pour les chrétiens qui s’efforcent de vivre l’essentiel. Ainsi leur vif souhait de voir leur tradition chrétienne devenir sel et lumière pour les hommes de ce temps aura-t-il quelque chance de se réaliser !

Références :

  • Témoin d’un avenir, Marcel Légaut
  • Editions du Cerf (Paris 2005)