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Sur les traces d’Etty Hillesum & de Marcel, Légaut, ce fut,  un été…l’été dernier

Ou « le courage d’être soi sans être à soi », aurait écrit  ce brave Marcel comme il me plait tant à l’interpeller depuis cet été.

M’autorisant déjà quelques familiarités  avec cet homme dont j’avais fait  la connaissance seulement depuis un peu plus d’un an en me préparant au 1er stage animé par Gérard Rouzier sur « Prières d’homme » en août 2015, me voilà donc ré-embarquée dans une nouvelle aventure Légaut/Hillesum à Mirmande !

Mais quelle folie m’avait-t-elle donc poussée  une fois de plus, à m’inscrire à ce stage animé par Gérard dans ce lieu magnifique et ô combien « magique » de la Magnanerie ?

Sans doute, la confiance en sa  parole maintes fois accordée, la certitude d’un « autre petit bout de soi » que j’allais devoir rencontrer, l’audace, le courage, (voire un brin de malice  connaissant un peu notre ami Gérard) J de lui adjoindre la parole de cette jeune juive hollandaise  dans « une vie bouleversée »…tout y était pour qu’une fois de plus, à pieds joints, j’y saute !!

Que n’avais-je pas fait en m’inscrivant –comme à mon habitude- à l’instinct à ce stage, lorsque peu à peu, le 1er jour du stage approchant, il me fallut  lire cette inconnue,  Etty – et m’y ennuyer copieusement sur les 77 premières pages !!

Alors je savais qu’il m’en faudrait encore du « courage » pour continuer sa lecture ; car celle-ci m’était pénible, un peu plus, chaque jour, tant cette jeune femme ne me montrait d’elle-même, qu’un visage où « elle était tellement à soi » « sans être soi » ! Tout ne tournait qu’autour de sa « petite » personne, de ses amours, de ses angoisses, de ses états d’âme pour des choses qui me paraissaient tellement futiles vu le contexte de guerre et d’horreur, d’où elle écrivait !!

Oui, il m’en fallait du « courage » pour arriver à Mirmande et en toute honnêteté, avouer que je n’avais pas lu l’intégralité de l’ouvrage d’Etty !

Mais de retour d’un voyage à Florence, la veille de mon arrivée à Mirmande, c’est en survolant le Mont Blanc, que la parole d’Etty s’est alors révélée… Le signe d’une présence, de sa présence en mon cœur m’avait clairement touchée.

Je ne sais plus qui disait que « le courage c’est de croire qu’au cœur même de notre impuissance, la vie travaille secrètement » et Etty en est la preuve par son écriture et son vécu.

Avec Etty, c’est le courage d’espérer, le courage d’aimer simplement, le courage de douter.

C’est cheminer avec elle et accepter qu’au fond de chacun de nous, une petite lumière fait toute la différence.

Même dans les pires moments d’accablement, où l’on se croit écrasé, au fond du trou, voire  dans une impasse, le sens est là, le sens demeure, et il fait qu’on a la certitude de ne jamais être abandonné.

Etty, malgré ses doutes,  malgré la dureté du réel, nous montre ô combien on se (re)découvre « habité » et que cela change tout sur le regard que l’on pose sur le temps de ce qu’il nous reste à vivre !

«  Mon Dieu, prenez-moi par la main, je vous suivrai bravement, sans beaucoup de résistance. Je ne me déroberai à aucun des orages qui fondront sur moi dans cette vie, je soutiendrai le choc avec le meilleur de mes forces. Mais donnez-moi de temps à autre un court instant de paix. » - Etty Hillesum, « Une vie bouleversée » (1941-1943)

La vie travaille en secret à tisser, à défaire, à dénouer, mais toujours à renouer en chacun de nous, les fils défaits par le malheur, la tristesse, les aléas de l’existence, afin de raviver cette petite veilleuse qui est en nous et la faire briller de mille feux.

Le vrai courage d’Etty n’est-il pas la posture du psalmiste qui dit : « J’ai gardé confiance, même quand je disais : « Je suis malheureux » (Ps 116,10). Bref, un courage à déployer au jour le jour notre vaillance intérieure dont l’origine est notre fidélité à Dieu.

« Je vous suivrai partout et je tâcherai de ne pas avoir  peur. Où que je sois, j’essaierai d’irradier un peu d’amour, de ce véritable amour du prochain qui est en moi. »

C’est à la Magnanerie, que tous ensemble, nous nous sommes donc heurtés à cette matière, comme la glaise que notre main façonne jusqu’à laisser jaillir la difficulté de cette quête intime qui vient du  « dedans de soi », et qui, au travers de ces mots tantôt chez l’un, venaient nous toucher, tantôt chez l’autre venaient se heurter, voire nous interpeller.

C’est au nom d’une tendre et belle complicité, que nous avons œuvré au service commun de ce lieu de vie.

C’est en répondant au doux appels de Catherine à la cuisine, de Françoise aux tâches ménagères, que même dans ces lieux là, comme dans un creuset où chacun de nous était mis à fondre pour en ressortir maintes fois, renouvelé, que nous avons, là aussi, travaillé la matière « Marcel-Etty ».

C’est dans ce magnifique lieu, hanté cette année par le doux vol de très jolis papillons blancs dénommés « Pyrales du buis », que tous ensemble, dans la joie et l’unité, nous nous sommes entraidés et écoutés.

C’est au son du carillon de l’horloge rythmant nos ordres de passage et de travail auprès de Gérard, que nous avons pas à pas, tâtonné, goûté, mâchouillé, savouré, les mots… et que « la magie a opéré », en marchant sur les pas de Marcel et qu’Etty en écho s’est trouvée, comme réinventée.

« Que chacun aille en paix

sur la voie qui est sienne

avec l’exactitude de la fidélité.

Départ et détachement,

Dépouillement sans fin.

Distance et liberté

Seul, face à son destin.

Discrétion et patience

De celui qui se sait, mais espère dans la pureté du silence.

(…)

Attente de la présence qui fait être

Dans la totalité du vouloir.

(…)

Harmonie et paix

étant soi sans être à soi,

dans la rectitude du regard,

dans la justesse de la pensée,

dans la simplicité de l’acte,

dans l’authenticité de l’être,

disponible, et comme immobile

devant Dieu,

pour recevoir et pour donner. »

Marcel Légaut « Prières d’homme »

Florence Cambrezy, été 2016.