La passion de l'Église
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Légaut a examiné la crise de l'Eglise catholique qui se déroulait sous ses yeux et publié son analyse dans la revue des Etudes en octobre 1970. Il ne pouvait guère intégrer dans sa démarche les sévices physiques ou sexuels, affaires de droit commun, qui ont été révélés depuis. Mais le poids de l'origine intellectuelle, avec la crise moderniste, est à prendre en considération. La lecture de cet article amène Thérèse de Scott, alors missionnaire au Congo, à entrer en contact avec Légaut et à étudier son oeuvre.
La passion de l'Église
Réflexions d'un chretien sur la crise religieuse de l'Église catholique en France
La crise religieuse qui sévit, à l'ère de la science et de la technique, dans les pays issus de l'ancienne chrétienté est spécialement aigue. Dans cette partie du monde, elle va jusqu'à mettre en péril l'existence du christianisme, de ses différentes confessions et particulièrement du catholicisme.
C'est même l'Eglise catholique qui semble la plus menacée, tandis que récemment encore elle paraissait la plus profondément enracinée et la plus solidement charpentée. On a pu parler de l'effondrement du catholicisme, tant les phénomènes de dissociation, de décomposition s'y montrent nombreux et importants, tant leur évolution est rapide dans un corps que les siècles n'avaient pas ébranlé. N'est-ce pas cette ancienneté et cette immuabilité qui, malgré des crises graves, au milieu des bouleversements de l'histoire, confirmaient jadis en raison beaucoup de chrétiens et même des conciles dans leur foi en la nature divine de l'Eglise?
Quelques nouvelles octobre 2025
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Devenir disciple de Jésus (6)
Il y a de grandes tentations dans la vie de Jésus et elles sont particulièrement importantes à découvrir (…) pour que nous les dominions nous-mêmes. La première tentation est la tentation du succès. La puissance qui sort de lui et qui guérit, n'est-ce pas la raison de sa mission ? Les succès qui se manifestent tout autour de lui, n'est-ce pas pour ça qu'il est venu ? Est-ce qu'il ne serait pas fait pour guérir les corps, sachant que plus tard ce serait la guérison des cœurs ? (…) Dans l'Évangile, ses nombreuses nuits de prière sont peut-être les moments où Jésus, en prenant plus profondément conscience de ce qu'il vivait, a dû comprendre qu'il n'était pas venu pour guérir les corps mais pour cette autre mission tellement plus difficile, tellement plus improbable, d'être l'occasion de la conversion des cœurs.
Et voici une deuxième tentation. Israël est un peuple particulièrement vigoureux, ayant un passé particulièrement religieux, qui se trouve sous la botte romaine. Déjà plusieurs tentatives se sont fait jour pour chasser l'envahisseur. C'est un peuple dont la religion était extrêmement politique, un peuple politico-religieux, religieusement politique, un peuple dont l'histoire alliait continuellement l'action politique et l'action religieuse, un peuple élu. Jésus qui avait une si grande puissance sur les foules, est-ce qu'il ne pourrait pas justement coordonner toutes ces forces pour en faire de la violence et chasser l'envahisseur ? On a voulu le faire roi un jour et bien des gens de son temps pensaient que ce serait peut-être lui, le messie, un messie à la manière de son temps, ce messie politico-religieux qui devrait libérer Israël. Il a refusé cette tentation comme les autres.
S'il avait été un bienfaiteur des corps ou un libérateur politique, il aurait été marqué de son temps et de son lieu. Il n'aurait été qu'un grand homme de son temps. La grandeur de Jésus est précisément d'être plus grand que son temps et d'avoir eu une fidélité fondamentale qui n'était pas la simple conséquence des événements qu'il rencontrait, mais la conséquence d'une volonté qui montait en lui. La volonté de son Père lui a permis d'atteindre l'humain à une telle profondeur qu'à travers les siècles et dans les milieux les plus différents, par ce qu'il était, il puisse interpeller tout homme dans sa profondeur. Tentation de la puissance, tentation du succès.
Tentation de l'impatience. C'était un temps où on croyait assez vite à la fin du monde parce que les temps n'étaient pas heureux. Jésus aurait pu jouer, comme on le fait actuellement, sur la fin du monde pour convertir les gens. Ce fut une des grandes erreurs de Loisy de penser que Jésus s'était laissé prendre par les perspectives d'une fin du monde prochaine. Jésus, à mon sens, savait bien ce qui se pensait autour de lui. Je ne dirais pas que Paul ne s'en est pas servi pour activer, augmenter la force de sa prédication. Mais Jésus, justement parce qu'il fallait qu'il dépasse les événements, ne pouvait pas, dans son action, dans sa manière d'être, s'appuyer sur les événements. Les événements pouvaient l'aider à découvrir sa mission mais il fallait que sa fidélité fondamentale soit suffisante pour que, au-delà de ce que les événements pouvaient lui suggérer, il découvre en lui-même une volonté qui transcende les événements et qui manifeste à nos yeux maintenant un des aspects fondamentaux de sa propre transcendance. C'est ainsi que Jésus continua pendant quelques mois à prêcher le royaume. Mais ce n'est pas là la grandeur de Jésus.
(à suivre)
Marcel LÉGAUT Bruxelles 1976
Articles et Conférences Ed. Xavier Huot
Cahier 8, Tome II, pp 277-278
Edito octobre 2025
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« JE SUIS MA LIBERTÉ »
Quand j’étais enfant, sans doute un peu chauvin, je voulais que les meilleurs soient Français. Abusrour Nasser est lui un Palestinien condamné à la perpétuité à vingt deux ans en 1993. Depuis 32 ans il vit dans les prisons israéliennes. En prison il a obtenu une licence d’anglais et un master en science politique.
Ce livre raconte son enfance dans les camps, ses révoltes, son arrestation et sa vie. Comme Nelson Mandela qui était sorti de sa captivité avec une très grande maturité, puis devenu un président charismatique, Abusrour Nasser va évoluer dans un face à face avec le mur qui est son univers ; il va revisiter sa vie avec ses méditations, cette liberté qu’il acquiert avec le renoncement. Nana une jeune avocate qui dans le cadre de sa formation rendait visite aux prisonniers est séduite par ses propos, son rayonnement, sa sagesse. C’est une histoire tragique, une vitre en verre les sépare au parloir. Il y a eu plusieurs fois des libérations de prisonniers mais lui reste en prison…
Avec la joie des retrouvailles et beaucoup d’espoirs, bientôt les pleurs de Nana : Leur vie impossible, sa fatigue, cette famille, ces enfants qu’ils n’auront jamais... Leur rencontre < 2014 > et leur renoncement tragique en juillet 2019. Nana en pleurs le quitte et lui l’aide à le quitter… Il reste dans sa cellule … orphelin … Avec son mur pour compagnon. Nasser Abusrour est toujours en prison …
Les derniers mots de ce récit : « Nana rend-moi mon orgueil » illustrent ce combat qu’il continue à mener.
Ce récit tragique très bien écrit, me pose cette interrogation : comment est-il possible d’évoluer humainement dans des conditions aussi terribles et d’être une lumière bienfaisante … ?
Rémy LÉGAUT
« Je suis ma liberté »
Nasser Abusrour – Édition Gallimard
Comment notre monde a cessé d’être chrétien. Anatomie d’un effondrement.
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CUCHET, Guillaume.
Paris : Seuil, 2018, 284 p., 21 €
En France, en 1872, 98 % des 36 millions d’habitants étaient catholiques. Et envoyaient aux commandes de l’État, par les urnes, des majorités laïques voire anticléricales, sans que l’on ait réfléchi à
cette contradiction. Depuis, le catholicisme a reculé. Les 18-50 ans non affiliés au catholicisme sont près de 50 %, et l’Islam, avec cinq millions de fidèles, est devenu la seconde religion du pays. Selon une enquête réalisés en 2017, l’épiscopat estime qu’un tiers d’une génération est baptisée dans les sept ans et que le taux de pratique dominicale (tous les dimanches) est de… 1,8 % (p. 16, note 15). Et de s’interroger sur le décrochage, international (au Québec, un film, Un heureux naufrage en rend compte). Pour étudier ce décrochage, Guillaume Cuchet s’attache aux Matériaux pour l’histoire religieuse du peuple français, du chanoine Boulard qui livre une « auto-analyse sociologique » sur la pratique religieuse en France dans les années 1945-1965. Un premier chapitre du livre de Guillaume Cuchet décrit cette enquête qui révèle une grande variété de situations, en particulier, les trois pôles géographiques majeurs de la France chrétienne : le grand Ouest ; l’Est lorrain, alsacien et jurassien ; le rebord sud-est du Massif central (Haute-Loire, Tarn, Lozère, Aveyron). Démêler le rural de l’urbain ainsi que les conséquences des guerres mondiales, amènerait à penser une déchristianisation antérieure aux guerres, à la politique laïque et anticléricale de la IIIe République, voire, au XVIIIe siècle. Immanquablement, pour Cuchet, la Révolution française porte sa part de responsabilité : « La politisation de la question religieuse a été, en France, pour toute une partie de la population, un facteur de longue durée de dévitalisation religieuse » (p. 80). Certes, demeure un attachement à la culture catholique : la géographie des dons aux « œuvres » ou du don du sang atteste de valeurs, comme un style politique étranger aux extrêmes, des rites de passage ou l’attachement au patrimoine culturel. Toutefois, sans pratique, cette culture « s’en ira avec la seconde parce que leurs destins sont liés » (p. 84).
À la droite du père. Les catholiques et les droites de 1945 à nos jours
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À la droite du père. Les catholiques et les droites de 1945 à nos jours, Seuil, 2022, 783 p.,
Ouvrage collectif sur la direction de Florian Michel et Yann Raison du Cleuziou.
Si les droites en France ont été explorées par les travaux de René Rémond (La Droite en France, 1954, et ses rééditions), l’analyse du vote des catholiques restait un angle mort : les 3/4 des catholiques ont continué à voter à droite durant la période de 1945 à nos jours. Certes, un travail de défrichage a eu lieu, mais seuls les extrêmes ont été labourés, ne serait-ce que LMPT (La Manif pour tous). Le choix des responsables est double :
- Assurer un développement chronologique qui rend compte des évolutions, avec de 1945 à 1958, la Libération et la revanche des démocrates chrétiens, le MRP et ses figures, dont on découvre, pour Pierre Pflimlin (plusieurs fois ministres et dernier Président du conseil de la IVème), son passé d’extrême-droite. Puis de 1958 à 1974, une interrogation : la Vèmeest-elle une république moderne et catholique ? Et de 1974 à 1997, une oscillation entre modernisation et restauration, avec une marginalisation du catholicisme : en 1966, 24 % des Français assistent à la messe dominicale ; en 1975, 13,5 % ; en 1986, 11 %. Avec certes l’appui de l’élection de Jean-Paul II en 1978. La dernière période (1997-2022) décrit un âge où le catholicisme est minoritaire, « se recompose avec ceux qui restent », « les catholiques de gauche étant devenus quasiment invisibles dans l’espace public ». Selon les besoins des uns et des autres, on trouvera là une synthèse informée de cette période.