J'ai connu Marcel Légaut grâce à Pierre Babin, professeur à l'Institut catholique de Lyon, qui, au lieu de nous faire un cours sur l'utilisation des médias en catéchèse, nous faisait écouter des enregistrements de Légaut, un vieux paysan retiré dans sa montagne.
En juin, avant les vacances, nous lui avons demandé s'il serait possible de rencontrer ce "vieux paysan dans sa montagne". Nous sommes donc allés aux Granges de Lesches un week-end et il nous a reçu au Coët. Cet homme, vêtu d'un vieux pantalon de velours, avec un chandail usé, sa ceinture de flanelle, son béret crasseux, avait une présence qui m'a impressionné si bien que nous (Eliane et moi) avons cherché à le revoir et cela jusqu'à sa mort. Mais je n'ai jamais osé lui poser une question, au moins en public. Il m'impressionnait trop.
Un ancien "camarade", instituteur à Aix les Bains, que je suis allé voir avec François Garin, m'a remis une centaine des méditations faites par Légaut et Jacques Perret. J'ai tenté de compléter la collection et j'ai réuni plus de trois cents textes ronéotypés entre 1928 et 1938. Cette recherche a amorcé la suite. Après la mort de Légaut, je me suis mis à collectionner tous les textes concernant Légaut, en dehors de ses livres.
Mon but : que ça ne se perde pas et qu'on ait la possibilité de les retrouver si on en avait envie. Ce que je ne pouvais pas prévoir, c'est que ce travail quotidien, pendant des années, m'a permis de "rencontrer" vraiment Légaut. Il m'était plus présent que de son vivant et j'ai appris à le connaître, à me familiariser avec celui qu'il est et que je n'avais fait qu'entrevoir de son vivant. Ainsi j'ai compris à quel point il était présent dans ses écrits, à quel point il parlait toujours et uniquement de son vécu. J'arrivais à faire le lien avec des épisodes de sa vie. Dans les groupes avec lesquels nous relisions ses livres, je pouvais donner un corps à des phrases, à des mots, à des pensées qui, de prime abord, semblaient abstraites, presque moralisantes, parfois difficilement compréhensibles. Et les réactions des membres du groupe m'aidaient tout autant à approfondir ce que nous lisions.
Maintenant, la relecture de ses écrits, seul ou avec Eliane, me paraît toujours nouvelle, me fait découvrir à chaque page mon propre vécu, grâce aux mots et au témoignage qu'il nous donne. D'autres l'ont dit, mieux que moi : Légaut met des mots sur ce qui est le plus profond en moi et que je ne savais pas exprimer.
En route vers une fin que la maladie me permet d'entrevoir, sans rien savoir de plus, ce qu'il dit de la mort me pénètre et me nourrit : "L'homme avance de façon décisive dans sa lente progression vers son être en puissance, lorsqu'il découvre le sens de sa mort par la compréhension de l'esprit fondamental qui a animé sa vie" (HRH, page 72, édition 2006).
Xavier Huot