Témoignage de Jacques Brothier sur Légaut et le groupe Légaut (1977)
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Je venais d’arriver à Paris, en octobre 1954, quand le Père d’Ouince me parla de Légaut : « Allez le voir, me dit-il, c’est un homme extraordinaire ». Je l’entends encore, ce n’était pas un homme à abuser de superlatifs. Je me suis donc rendu rue Galilée, avec deux camarades. Immédiatement nous avons été conquis. Je peux dire, sans la moindre exagération, que cette rencontre a été un des événements décisifs de ma vie. Non seulement je trouvais en Légaut une personnalité spirituelle dont la vigueur vous entraînait dans son sillage, mais je m’intégrais à un milieu vital dont je sentais obscurément le besoin. Assidu d’abord aux réunions du dimanche, j’ai saisi la première occasion pour venir habiter rue Galilée, avec le petit noyau de permanents. Pouvoir trouver à la fois l’appel à une vie intérieure personnelle et l’aide d’une communauté fraternelle, allier la recherche profondément religieuse de Dieu à l’épanouissement humain, quel rêve ! Ce rêve, je l’ai réalisé alors, ou du moins j’ai cru le faire. J’ai bien conscience maintenant qu’il y avait une part d’illusion dans le bel enthousiasme du départ. Mais enfin, l’essentiel n’avait rien d’illusoire, la preuve, c’est qu’il demeure.
Légaut a été pour moi à cette époque un initiateur à la fois intellectuel et spirituel. Il n’était pas littéraire de formation, mais il approchait les textes de façon vivante et personnelle. C’est lui qui m’a révélé Gide, Claudel, Valéry, tant d’autres. Il m’a fait « entrer en littérature ».
Edito octobre 2023
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L’homme – oiseau
Ici tu te poses
Là-bas tu te reposes
Tu dis: « je suis chez moi »
Seulement lors du voyage
Tu es celui qui va
Ce petit poème est écrit par un exilé Libanais et tiré du livre « Beyrouth-sur-Seine », son auteur Sabyl Ghoussoub (page 270).
Dans une voie d’escalade vaincre des passages difficiles est une grande joie, une valorisation formidable de la confiance en soi.
Assaillies par la pub, par les produits nouveaux, par un commerce insatiable, des voix s’élèvent. Celle de Pierre Rabhi « La sobriété heureuse ». Un autre mot « sens ». Un besoin de reconnaissance pour chacun, ces évocations illustrent un petit pas vers le divin.
Sur <ARTE> des scientifiques font une recherche sur « les Pirates à Madagascar». À Madagascar pour faire des fouilles et retrouver des traces de leur passage, il faut l’autorisation des ancêtres, ce qui donne lieu à une grande fête avec des danses, de la musique, une cérémonie qui autorisera cette recherche qui ne sera plus sacrilège. Je trouve que cette fête et le respect de ces scientifiques à cette coutume est très divine.
Chez les musulmans l’expression : « si dieu le veut » montre la symbiose de cette religion avec la vie de tous les jours qui faisait l’admiration de Charles de Foucauld.
Aux informations, suite au terrible tremblement de terre en Turquie, au milieu des ruines, des enfants font une ronde en s’amusant : fantastique résilience.
« Retour à Séoul », un film sur l’adoption et la difficulté pour les adoptés de retrouver leur pays d’origine en simplicité : à son troisième voyage, dans un hôtel de Corée il y a un piano, elle est seule. Elle se rapproche du piano, appuie sur une touche ; elle se met à jouer : elle est chez elle...
Par goût je préfère l’épure, une direction que j’intègre qui m’est lisible et qui me sert ;
les paraboles, message du Christ ont cette qualité, cette force. Une force capable de prendre son envol comme tout ce qui est vivant.
Rémy LÉGAUT
Quelques nouvelles octobre 2023
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La foi difficile et la foi trop facile
Être chrétien au début du siècle n’allait pas de soi. Quand je suis entré à l’École normale en 1919, il n’était pas très facile d’être catholique car les catholiques n’avaient pas une très bonne presse, on les jugeait de haut : intelligents mais catholiques, ou catholiques quoiqu’intelligents. Pour les camarades qui ont commencé le groupe dans les milieux primaires, il leur était encore plus difficile qu’à nous de l’enseignement secondaire d’être catholiques car non seulement il y avait une présomption de bêtise sous le titre mais il y avait une hostilité pratique. Plusieurs d’entre nous, des anciens, savent combien certains ont dû souffrir pour leur foi parce que leur avancement ou au moins leur acceptation dans le milieu de l’enseignement primaire était rendue plus ou moins difficile par le fait qu’ils étaient chrétiens.
Cette difficulté, les jeunes, ni les anciens maintenant, ne la connaissent plus. Le catholique est un être suffisamment lavé, pas seulement lavé, je dirais en un certain sens accommodant, brave pour qu’on le supporte. Et d’autre part, l’Église étant de moins en moins puissante, on la supporte de plus en plus volontiers comme quelque chose qui a encore d’assez fortes attaches dans le pays mais qui, par d’autres côtés, est suffisamment hors-jeu pour qu’on puisse la laisser mourir doucement. De telle sorte que vous ne connaissez pas les difficultés que nous avons connues nous-mêmes au départ.
Nous avons heureusement appartenu à une génération de jeunes qui étaient plus généreux, plus catholiques, plus religieux que leurs parents. Dans toutes les histoires d’anciens d’ici, il y a toujours eu, plus ou moins ouvertement, une certaine lutte entre les aspirations religieuses des jeunes que nous étions à ce moment-là et nos parents. Nos parents étaient catholiques mais d’une manière qui ne satisfaisait pas notre catholicisme. Il y avait là pour nous une difficulté supplémentaire qui, par le fait qu’elle nous obligeait à nous dresser contre, nous donnait l’occasion d’approfondir notre foi. Ces difficultés-là, vous ne les connaissez pas, nous ne les connaissons pas maintenant. Aucun d’entre nous n’a de véritables difficultés parce qu’il est catholique. Par conséquent, ces difficultés-là, je les supprime.
Notre vie catholique, notre vie de foi, est trop facile parce qu’elle est malgré tout trop extérieure. C’est là, me semble-t-il, que je peux entrer en communion avec vous réellement. S’il suffisait pour être croyant d’adhérer à une doctrine, de faire partie d’une société, nous serions vraiment des croyants avec facilité. Mais la foi est probablement tout à fait autre chose. Ce n’est pas que nous cherchions la difficulté pour elle-même, ce n’est pas par un but d’ascèse que nous cherchons la difficulté dans la foi. Mais je pense que la difficulté que nous rencontrons dans la foi est une conséquence de sa profondeur, tandis que la facilité n’est qu’une manifestation de la manière dont elle est superficielle.
(…) Ce qui nous rend facile, trop facile, notre religion, c’est la théologie, la systématisation intellectuelle, théologique. C’est ce qui rend difficile la religion chrétienne à ceux qui sont nés dans un autre climat. Pour vaincre la facilité ruineuse que nous impose notre mentalité systématique d’intellectuel de l’Occident et atteindre les véritables profondeurs de la foi, il faut que nous tirions de notre propre nature des réalités, des profondeurs qui fassent difficulté à notre théologie.
(à suivre)
Marcel Légaut Topo des Granges 1963
Ed. X. Huot pp. 23-25
Bernard Bœuf (1925-2018)
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Bernard Bœuf a été, durant de longues années, présent à Mirmande et trésorier de l’association culturelle Marcel Légaut. Je me souviens de l’un ou l’autre de ses « topos » dont un sur la mort et ce qu’il peut
y avoir après, selon Marcel Légaut.Il avait relu l’oeuvre de Légaut pour cela. Il est vrai que c’était une question fondamentale pour lui, après ce qu’il avait vécu. Puis il a tenu à me passer la trésorerie de l’ association, prévoyant une campagne de dons qui permettrait de faire la remise en état de la Magnanerie, où il est revenu. A cette occasion, je suis passé à Brunstadt, et avec lui, me suis recueilli sur la tombe où l’attendaient ses êtres chers qu’il a rejoints. Il avait demandé à son fils Gilles de transmettre à Mirmande ses archives et sa bibliothèque de spiritualité.C’est ce qui permet de donner chair, sous trois aspects , à son itinéraire qu’il notait ainsi : je suis né catholique dans une famille ordinaire. Catéchisme puis indifférence jusqu’à l’âge de 50 ans. Redécouverte de Jésus grâce à Marcel Légaut. Ce qui compte pour moi, c’est l’esprit de l’Évangile. La Trinité, la Résurrection, c’est impossible, c’est hors du message. S’appuyant sur Karl Rahner, Expérience d’un théologien (1984), il exprime la « vacuité de [ses] concepts théologiques ». Cet ancien inspecteur des impôts a rédigé deux souvenirs et l’analyse de sa bibliothèque nous fait entrer dans une reflexion dûment datée, 1975-2018 .
Une scolarité en Haute Saöne interrompue par l’arrivée des Nazis en mai 1944
« D’abord interne à l’école Menans[1] de Gy jusqu’à sa réquisition par les autorités militaires pour en faire un hôpital, j’ai accompagné le transfert de cet établissement dans les locaux de l’école Saint-Pierre-Fourrier de Gray en septembre 1939. La nouvelle école appelée « Menans-Saint-Pierre-Fourrier » n’assurant les cours que jusqu’à la classe de 3ème, j’ai dû m’inscrire, à partir de la seconde, soit à la rentrée 1941, au collège A. Cournot également à Gray. Mais, avec l’accord de M. Joseph Fimbel, religieux de l’ordre des Marianistes et directeur de « Menans-Saint-Pierre-Fourrier », j’ai pu continuer à prendre pension dans son établissement, moyennent l’obligation d’y accomplir quelques tâches, dont la surveillance d’un dortoir. C’est à ce titre que je me trouvais donc en train de dormir, une nuit de début mai 1944, dans le « cagibi » réservé au surveillant, séparé des élèves par un simple rideau. Il devait être autour de cinq heures du matin lorsque mon sommeil a été brutalement interrompu par l’ordre donné en Allemand d’avoir à me lever immédiatement. Une mitraillette était braquée sur moi et un chien berger menaçant dressé sur mon lit. Malgré mon état d’esprit « résistant » de l’époque, il m’a bien fallu obtempérer, m’habiller très rapidement et me laisser conduire dans le bureau du directeur situé au rez-de-chaussée. C’est à ce moment-là que j’ai pris conscience que l’établissement était totalement investi par une troupe nombreuse composée de membres de la Gestapo et de la Feldgendarmerie, mais aussi hélas de miliciens français revêtus d’uniformes allemands.
Centenaire du groupe Légaut - 1925-2025
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Le centenaire du groupe Légaut en 2025.
En 1925, à la rentrée, Marcel Légaut, à Normale sup. va méditer les évangiles avec des normaliens de Saint Cloud, ouvrant ainsi l’univers du premier degré de l’enseignement à sa réflexion, celle d’un laïc. Le groupe Légaut, sans grande ossature, naît et après des péripéties variées, de Paris à Chadefaud dans le Massif Central, puis Les Granges de Lesches et Mirmande dans la Drôme, perpétue ses rencontres jusqu’à ce jour.
Il y aura plusieurs manifestations en 2025. Certes le conseil d’administration des 14-16 février 2023 a validé trois évènements :
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La mise en numérisation de l’oeuvre complète de Marcel Légaut, avec sa mise à disposition par le site de l’ACML. Paul Roux a piloté l’ensemble avec l’aide de nombre de membres de l’ACML, Serge Couderc, Jean-Jacques Chevalier, Jocelyn Goulet, Chantal Decoorebyter, François-Xavier Légaut, Dominique Roux, Rémy Légaut, Dominique Lerch, ...
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Une date : 10 septembre 2025 est à retenir à Valence aux Archives départementales (à côté de la Préfecture). Vous trouverez ci-joint l’appel à contributions qui concerne la vie des groupes, le rayonnement de Marcel Légaut, son apport, ses racines. N’hésitez pas à proposer des éléments, nous pourrions avoir une partie d’échanges sur la vie des groupes en suite des communications. Mais nous aurons aussi besoin de quelques coups de main pour l’accueil des communicants, l’hôtellerie, les repas, surtout si la journée d’études devient un colloque international où l’Espagne et le Québec sont d’ores et déjà partants et où nous ne désespérons pas d’avoir une contribution belge.