Edito - décembre 2024
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ENGAGEMENT ET INTÉRIORITÉ
Même si Légaut s’est tenu à l’écart des problèmes issus de la dégradation de la planète, il n’élude pas la question de l’engagement, ni sa nécessité. Il a là-dessus une pensée très ferme qu’il expose dans un livre intitulé Intériorité et Engagement (Aubier 1977). Ouvrons-le : nous y trouverons peut-être des incitations et des motivations à passer à l’action.
En fait, ce qui frappe dès la première phrase, c’est, concernant l’engagement, l’attitude manifestement dubitative de Légaut :
« Peut-on assurer qu’il suffit de s’être engagé à fond
dans une action collective ou individuelle,
dans une activité sociale et politique, ou même religieuse
pour être humainement adulte ?
Ce n’est point certain […]. » (p. 13)
Tout d’abord, on notera que dans cette interrogation initiale, ce qui intéresse Légaut, au premier chef, c’est : comment devenir « humainement adulte » ? L’intérêt qu’il porte à l’engagement concerne son rapport à cette finalité : l’engagement favorise-t-il, oui ou non, notre accomplissement d’homme ? La réponse, estime Légaut, ne va pas de soi.
L’expérience montre, en effet, selon lui, que très souvent, l’entraînement du milieu social, « l’adhésion passionnée à une idéologie peuvent avoir dispensé des efforts indispensables pour devenir un homme accompli » Et « ordinairement, les activités auxquelles l’engagement conduit à se consacrer ne poussent pas à l’approfondissement personnel. » L’engagement, souvent « distrait de soi ».
Conclusion – dont je souligne les nuances : « Un tel engagement à lui seul, si important et si persévérant qu’il soit, ne suffit pas en général pour rendre humainement adulte celui qui s’y adonne pleinement » (13). En dépit des restrictions que Légaut apporte à sa prise de position, il y a là de quoi étonner : tout se passe comme si Légaut douchait les ardeurs de celui – du jeune notamment – qui, généreusement, s’apprête à se lancer dans l’action – une action dont tout le monde autour de lui approuve la nécessité.
En vérité, Légaut ne veut pas dissuader quiconque de s’engager. Ce contre quoi il met en garde, c’est un engagement issu d’un emballement, ou d’un engouement. Ou encore, un engagement qui résulterait de la pression qu’exerce inévitablement un groupe sur ses membres. Et ce qu’il préconise, à l’inverse, c’est un engagement « qui s’est préparé de loin et s’est développé lentement à mesure que l’on s’est approfondi ». L’engagement est alors « la conséquence d’une véritable progression vers sa propre humanité, le fruit mûri d’une recherche d’intériorité » (1)
En bref, pour Légaut, cette recherche d’intériorité, c’est ce qui prime, c’est le cœur de la vie spirituelle. Et lorsqu’elle a mûri suffisamment, elle fructifie en engagement : « Il n’y a pas de vie spirituelle saine qui ne porte à l’action » (2). Cette action, alors, ne sera pas un feu de paille, ou encore utile peut-être momentanément, mais sans fécondité à long terme. Car, « tant vaut l’homme, tant vaut son engagement, tant vaut ce qui résultera de son action »
Jean-B. Mer
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(1) Concernant l’engagement, Légaut fait remarquer que « nous n’avons pas à faire tout ce qui est utile et nécessaire, mais il faut que ce qui est utile, urgent [Urgence écologique!] déclenche en nous une exigence intérieure qui nous singularise, qui oriente l’action particulière que nous avons à faire » (Retraites avec Marcel Légaut, 1979, La Grande Chartreuse, Cahier présenté par Xavier Huot, p. 78).
Bobin fait écho à Légaut lorsqu’il écrit, dans le livret, Le plâtrier siffleur, cité plus haut : « Pendant la seconde guerre mondiale, il y a un homme qui ne se soucie pas explicitement de la guerre, c’est Matisse. Il entre dans une grande période de grande simplicité de la peinture et des couleurs, il rejoint la source enfantine de la peinture. Je crois que cet homme-là, par son travail, parce qu’un des effets de la peinture est de nous prendre le cœur et de le laver, a résisté contre le monde enténébré aussi bien que ceux qui prenaient les armes » (p.9).
(2) Marcel Légaut, Patience et Passion d’un croyant, Cerf, 2000, p. 67.
Quelques nouvelles décembre 24
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La lecture (4)
Dans une époque comme celle que nous vivons, les livres les plus inspirants, ceux qui peuvent le plus nous inspirer ne sont pas du tout les livres inspirés dont on parle toujours quand on parle de livres religieux mais ce sont souvent des livres modernes ou relativement modernes, peu anciens, qui, écrits par des gens inspirés comme je l'ai dit, peuvent nous donner l'occasion de nous transformer par le dedans sans nous enseigner.
II serait très important que les jeunes et les moins jeunes rencontrent dans leur vie quelques livres inspirants et pas simplement des livres enseignants. II est facile de distinguer le livre distrayant du livre enseignant car il est amusant tandis que le livre enseignant l'est moins. Il est plus difficile de découvrir la différence entre un livre enseignant et un livre inspirant parce que ça suppose des conditions intérieures qui ne sont pas toujours réalisées
dans celui qui lit et qu'on ne peut pas lui donner du dehors. On peut dire à quelqu'un d'être attentif, de prendre des notes, de relire... pour comprendre et digérer un livre enseignant. Mais si on lui dit la même chose pour un livre inspirant ça ne veut pas dire du tout qu'il atteindra le niveau de l'inspiration. II pourra retenir les chapitres, entendre les belles descriptions, l'histoire du roman, voir tout ce que vous voudrez, ce ne sera pas encore un livre inspirant parce que ça restera une histoire qui lui sera extérieure.
Pour qu'un livre devienne inspirant, il faut qu'il lui devienne intime. Il faut d'une certaine manière qu'il en soit possédé, comme en a été possédé l'auteur quand il l'a écrit car pour que l'auteur soit inspiré, je ne vous l'ai pas encore dit, il faut qu'il soit "possédé", possédé par quelque chose qui vient de lui, qui l'explique et qui lui permet de se développer. Pour pouvoir lire un livre inspirant, il faut arriver à en être possédé, c'est-à-dire que ce ne sont plus les détails qui intéressent mais quelque chose de plus intime qui nous prend par le dedans, qui nous révèle à nous-mêmes et nous rend présents à nous-mêmes.
C'est bien vers 20 ans qu'on commence à naître et que la lecture de livres de ce genre est capitale parce que, autrement, surtout dans une société païenne comme celle où nous vivons, nous n'arriverons jamais à autre chose qu'à mettre notre vie sur le plan de la fonction, au lieu d'arriver au plan de la mission. Il n'y a pas de vie spirituelle, de foi, sans mission. On peut avoir une idéologie, croire en quelque chose, un idéal politique ou autre, sur le plan de la fonction. La fonction explicite et réalise l'idéologie de l'action. On ne peut pas avoir vraiment la foi sans avoir une mission. La mission est la forme concrète, pratique, visible, extérieure, active de la foi.
Pour bien distinguer entre la foi, la mission et la fonction, il faut très certainement rencontrer un livre témoignant, un livre inspirant parce qu'il y a un ordre dans lequel on doit intervenir. On parle souvent en théologie de la distinction entre nature et surnature. II doit bien y avoir quelque chose de vrai là-dessous
mais incontestablement, avant même de vouloir faire de la théologie de cette façon, il y a des ordres de grandeur dans la nature humaine proprement dite, en particulier celui que je suis en train de vous indiquer : le niveau de l'enseignement où l'homme n'est capable que d'apprendre et le niveau où il est capable de vivre, de se nourrir.
Marcel LÉGAUT
Topos des Granges de Lesches – Été 1961
Édition X. Huot 284-285
Colloque international du centenaire du groupe Légaut
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Colloque international du centenaire du groupe Légaut
(Valence, Archives départementales, 10-11 septembre 2025).
Centenaire du groupe Légaut - 1925-2025
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Le centenaire du groupe Légaut en 2025.
En 1925, à la rentrée, Marcel Légaut, à Normale sup. va méditer les évangiles avec des normaliens de Saint Cloud, ouvrant ainsi l’univers du premier degré de l’enseignement à sa réflexion, celle d’un laïc. Le groupe Légaut, sans grande ossature, naît et après des péripéties variées, de Paris à Chadefaud dans le Massif Central, puis Les Granges de Lesches et Mirmande dans la Drôme, perpétue ses rencontres jusqu’à ce jour.
Il y aura plusieurs manifestations en 2025. Certes le conseil d’administration des 14-16 février 2023 a validé trois évènements :
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La mise en numérisation de l’oeuvre complète de Marcel Légaut, avec sa mise à disposition par le site de l’ACML. Paul Roux a piloté l’ensemble avec l’aide de nombre de membres de l’ACML, Serge Couderc, Jean-Jacques Chevalier, Jocelyn Goulet, Chantal Decoorebyter, François-Xavier Légaut, Dominique Roux, Rémy Légaut, Dominique Lerch, ...
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Une date : 10 septembre 2025 est à retenir à Valence aux Archives départementales (à côté de la Préfecture). Vous trouverez ci-joint l’appel à contributions qui concerne la vie des groupes, le rayonnement de Marcel Légaut, son apport, ses racines. N’hésitez pas à proposer des éléments, nous pourrions avoir une partie d’échanges sur la vie des groupes en suite des communications. Mais nous aurons aussi besoin de quelques coups de main pour l’accueil des communicants, l’hôtellerie, les repas, surtout si la journée d’études devient un colloque international où l’Espagne et le Québec sont d’ores et déjà partants et où nous ne désespérons pas d’avoir une contribution belge.