Colloque international du centenaire du groupe Légaut
(Valence, Archives départementales, 10-11 septembre 2025).
Étienne Fouilloux
(professeur d’histoire contemporaine (h) Lyon)
Légaut et le groupe Légaut, témoins de la crise moderniste.
Lors d’une ultime retraite avant sa mort, le père Portal s’épanche enfin auprès des Normaliens sur les difficultés qu’il a rencontrées au cours de sa vie sacerdotale. Légaut découvre alors ce que fut, pour son mentor, la crise moderniste. La communication reviendra sur ce soupçon de modernisme qui a pesé sur le lazariste et sur son réseau, et sur ce que ce soupçon a entraîné pour sa conduite du groupe « tala » dont Légaut devient le chef de file à partir de 1923.
Gilles Damamme
(maître de conférences (h) à Caen)
Grothendieck et Légaut, deux mathématiciens en recherche spirituelle.
Après avoir résumé la vie hors-norme d’Alexandre Grothendieck, la rencontre avec l’œuvre de Marcel Légaut au moment de l’écriture de La clé des songes sera évoquée, et comment cette « incroyable convergence » influencera cette écriture. Nous évoquerons ensuite la réflexion de Grothendieck sur Jésus et la religion chrétienne.
Mateo Carmona
(archiviste de l’Institut Grothendieck, Colombie)
Des congrès du groupe mathématicien Bourbaki dans la Drôme : influence de Marcel Légaut ?
L'association de Marcel Légaut avec le groupe Bourbaki, renommé pour son impact significatif sur les mathématiques du 20ème siècle, notamment à travers des figures telles que A. Weil et H. Cartan, revêt une importance historique pertinente. De 1955 à 1957, notamment, Bourbaki a organisé ses congrès à Sallières-les-Bains, près de Die, dans la Drôme. On pense que Légaut, familier avec le lieu, a joué un rôle dans l'introduction de Cartan au lieu. L'assistance de Grothendieck aux congrès de 1956 et 1957 revêt un intérêt particulier. Grothendieck, largement considéré comme le mathématicien le plus influent du 20ème siècle, a connu une pause significative dans ses recherches mathématiques au cours de l'année 1957, qu'il a qualifiée d'« appel et infidélité », et qu'il a considérée comme un appel spirituel non exaucé. Bien que Grothendieck ait finalement repris ses recherches jusqu'en 1970, ces interludes ont été formateurs dans son parcours personnel et son inspiration littéraire. Cette présentation vise à explorer les interactions de Légaut avec le groupe Bourbaki, notamment dans les années 1950, le rôle joué par la Drôme et les premiers signes de convergence entre les missions de Grothendieck et de Légaut.
Domingo Melero
(président de l’Association Marcel Légaut, Espagne)
Un éditeur, un appui, un auteur : Madame Aubier, Gabriel Marcel, Marcel Légaut.
Après la publication de Travail de la foi (1962), Marcel Légaut trouva le point de départ qui lui permit de structurer et d’écrire le livre qui, selon lui, était le fruit de sa vie. Cette démarche s'est déroulée entre 1962 et 1968. Cependant, lorsqu'il chercha un éditeur, son manuscrit fut rejeté à plusieurs reprises. Dans ces circonstances, Marcel Légaut bénéficia néanmoins du soutien de Gabriel Marcel et, finalement, tous deux parvinrent à intéresser Madame Aubier, non sans avoir dû céder sur certains éléments qui auront des conséquences. Il est donc pertinent de synthétiser les tenants et aboutissants de l’amitié entre Gabriel Marcel et Marcel Légaut. Leur amitié remonte à Paris en 1934 et elle se poursuit aux Granges car G. Marcel rendit plusieurs fois visite aux Légaut et à leur groupe avec sa femme et sans elle, et son fils y resta quelque temps au moins une fois. Plus tard, cette amitié intervient dans les négociations auprès de possibles éditeurs et se concrétise dans la correspondance entre les deux écrivains entre 1968-1970. C'est l'histoire d'un écrivain à la recherche d'un éditeur, aidé par un ami ; une histoire qui se termine, tout près de la fin de G. Marcel en 1973, par un échange autour de quelques questions sur le christianisme, dont le frère de M. Légaut fût le témoin.
Dominique Lerch
(chercheur associé à Versaille-Saint-Quentin-Orsay, membre du groupe Légaut)
Au départ du groupe Légaut : Jacques Perret, Marcel Légaut, une tension entre deux pôles religieux.
Si l’on trouve Jacques Perret aussi bien au groupe tala de l’École Normale supérieure que du groupe Légaut, son mariage en 1933 amène une crise profonde chez Marcel Légaut et les chemins semblent se séparer. Le fil est maintenu jusqu’au bout, notamment à l’occasion de l’envoi des ouvrages de chacun. L’étude fournit une illustration des tensions entre deux types de démarche et de positionnement aussi bien à l’intérieur du catholicisme en France que sur le plan de l’engagement dans la cité. L’étude est rendue possible par la correspondance qui se trouve à Louvain-la-Neuve (Belgique) dans le fonds Légaut.
Présence de Marcel Légaut et du groupe Légaut dans la Drôme (1940-2025).
Si Marcel Légaut et son épouse montent aux Granges de Lesches le 24 novembre 1940, dès le 10 décembre, un projet de venue aux Granges du groupe est envoyé à l’un des piliers, Pierre Voirin. Durant la guerre, ce projet persiste, ainsi en 1942 dans une lettre qui décrit à Jean Haumesser une répartition des habitations. À la fin des hostilités, le groupe va rejoindre Légaut aux Granges, de 1953 à 1966 et y vivre au rythme des topos, des échanges. En 1967 sonne l’heure des Nouvelles Granges, avec l’acquisition d’une magnanerie à Mirmande, où passent de nombreux chercheurs de sens et où Légaut relit inlassablement son œuvre en la critiquant. Ainsi, pour le groupe comme pour Légaut, deux lieux de la Drôme deviennent un rendez-vous estival, Valcroissant et son abbaye demeurant un espace familial.
Jacques Planchon
(conservateur du musée de Die et du Diois, chercheur associé au laboratoire ArAr UMR 5138).
L’abbaye de Valcroissant et les bouleversements du christianisme : histoires parallèles.
Créée dans l’essor du XIIème s., contrecarrée au XIIIème par les effets de la croisade contre les Albigeois et sa position en dehors des enjeux territoriaux des pouvoirs locaux, l’abbaye de Valcroissant se trouve mise à l’écart début XIVème au sein d’un diocèse coincé entre les seigneurs d’obédience française et la Provence sous influence papale avant d’être soumis, au siècle suivant, au centralisme de Louis XI. Secouée par les troupes des guerres d’Italie, puis par l’influence des huguenots au XVIème s., l’abbaye subit aux XVIIème et XVIIIème s. les courtisans commendataires et l’abandon révolutionnaire. Le Réveil protestant s’y manifeste par les projets du pasteur d’Hauteville et, avec son acquisition par la famille Légaut, l’abbaye déjà mêlée à l’essor laïque du XXème s. trouve une place au sein des réflexions entourant Vatican II. Ce rapide survol historique se propose de mettre en parallèle l’histoire de l’abbaye et du diocèse qui l’entoure avec celle des principales évolutions conjointes de l’Église et de la société.
Thierry Magnin
(Professeur à la Catho de Lille)
Ce qui est actuellement audible de Marcel Légaut.
Marcel Légaut a développé une réflexion profonde sur la foi en soi, distincte de la foi religieuse traditionnelle. Pour Légaut, la foi en soi représente une démarche intérieure essentielle pour l'épanouissement personnel et spirituel. Intériorité, Authenticité, Ouverture, Autonomie, Responsabilité, Cheminement spirituel, ouverture à la Transcendance sont autant de mots clés de la démarche proposée par l’auteur. Que peut-on dire aujourd’hui de cette foi en soi, de ce cheminement personnel vers une authenticité plus grande et une relation plus intime avec le transcendant ? Cela au regard d’une part des progrès en anthropologie biblique et d’autre part des progrès en biologie et neurosciences ?
Jocelyn Goulet et Claude Albert Lessard
(membres de l’ACML)
La présence de Marcel Légaut au Québec.
C’est à l'invitation de Jean-Claude Breton o.p., alors directeur de l’Institut de pastorale des dominicains à Montréal, que Marcel Légaut débarque au Québec en septembre 1979, son premier voyage en avion outre-mer. Il a presque 80 ans. Pendant trois ans, en 1979, 1980 et 1981, au début de l’automne, il sillonne le Québec avec J.C. Breton, en voiture et parfois en avion en raison des grandes distances, pour donner des conférences à un public composé surtout de théologiens, d'étudiants en théologie, et d’autres personnes intéressées par les grands livres qu’il a publiés dans les années soixante-dix, et suite à deux émissions télévisées de 1977 sur Marcel Légaut à Radio-Canada. Il fait même un détour en Ontario, à Ottawa, pour s’adresser à une centaine de personnes venues l'écouter au Collège dominicain de théologie et de philosophie. Nous évoquerons ces voyages, ainsi que l’influence de Légaut au Canada francophone. Des groupes Légaut, il n’y en a pas eu au Canada – « révolution tranquille » oblige – mais l’influence de Légaut dans les milieux théologiques et spirituels de l'époque n’en a pas moins marqué plusieurs de cette génération.
David Douyère
(Professeur en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Tours)
Marcel Légaut et la communication de l’expérience spirituelle.
Cette communication partira du chapitre 12, « Solidarité sociologique et communication humaine » de L’Homme à la recherche de son humanité (1971), pour proposer une analyse et une réflexion sur la place, la fonction et les limites de la communication dans la pensée écrite de Marcel Légaut. En effet, ce chapitre indique d’emblée la communication comme étant, dès l’enfance, une voie de singularisation humaine, qui atteste de ce que le dieu chrétien préparerait de l’épanouissement humain. Cette mention est intéressante car elle pose les prémisses du travail de Marcel Légaut lui-même : à partir d’une expérience spirituelle, et d’une rupture sociale majeure, qui le conduit dans la Drôme, comment faire part de l’expérience humaine qu’il éprouve et effectue ? Ce chapitre indique ensuite (p. 257) la difficulté de partager une expérience spirituelle et humaine, et la compréhension très partielle, voire la « distorsion », qui peut en résulter. C’est néanmoins ce partage que Marcel Légaut a tenté d’effectuer, par les échanges oraux – amicaux, en groupe – et la correspondance qui précèdent les ouvrages rédigés, patiemment réécrits, par la publication de ses livres, par les conférences données, puis par les groupes qui se sont constitués autour de la trace écrite de son expérience humaine et spirituelle, pour en parler, avec lui, puis seuls. Il y a donc une veine communicationnelle dans l’œuvre de Marcel Légaut, en tension entre approfondissement de l’expérience et expression, que cette présentation se propose d’explorer. La communication apparaît ainsi comme un outil de l’approfondissement de soi et de travail avec l’autre, pour faire émerger quelque chose de commun. Cependant, cette mobilisation doit faire face au fait que « la communication humaine se refuse à toutes les méthodes, à toutes les habiletés » (p. 248), si elle veut, au-delà de la propagande, certes utile au partage et à la rencontre, et de la rhétorique, viser l’authenticité.
Serge Couderc
(membre actif de l’ACML, animateur du groupe Légaut de Dijon, membre de l’équipe éditoriale de la collection Sens & conscience sur l’avenir du christianisme des éditions Karthala. Il a coordonné l’ouvrage Marcel Légaut, éveilleur de l’essentiel publié en 2020 par l’ACML.)
Le groupe Légaut - Les groupes Légaut.
Au commencement était le groupe Légaut. Puis arrivèrent les livres de Marcel Légaut avec une diversité de rencontres, de pratiques, avec des groupes de lecture et d’échanges autour de la voie spirituelle singulière de Marcel Légaut à l’initiative, par exemple, d’Antoine Girin, de Guy Sohier, de Xavier Huot, de Guy Lecomte, de Jean Ehrhard, de Thérèse De Scott, de Domingo Melero… "La planète Légaut" s’organisait ainsi que des lieux permanents de rencontres (Les Granges, Mirmande, Marsanne, Mazille). Peu à peu, naissaient en France, en Belgique, en Suisse, en Espagne, en Allemagne, ce que l’on appellera les groupes Légaut que Marcel Légaut visitera régulièrement jusqu’à la fin de sa vie. Des groupes naîtront aussi après sa mort en 1990. La communication proposée s’appuiera sur le travail d’un groupe franco-espagnol et sur des documents inédits auxquels ce groupe a eu accès. Elle voudrait, dans un premier temps, décrire ces groupes, identifier leurs caractéristiques, leur originalité, le pourquoi et la diversité de leur naissance, de leur organisation, de leurs pédagogies, de leurs contenus… Dans un deuxième temps, au-delà de la description et des constats, il sera important de tenter quelques éléments d’analyse et d’interrogation, en particulier, sur l’avenir non seulement de ces groupes Légaut mais aussi de la voie spirituelle de Marcel Légaut et de sa transmission.
Joseph Thomas
(Membre du groupe Légaut)
Un poète, Jean Lavoué et Marcel Légaut.
Le poète Jean Lavoué, récemment disparu, était aussi un essayiste averti, particulièrement attentif au questionnement spirituel. Dans L‘Allegro spirituel qui condense sa pensée dernière, il donne à Marcel Légaut une place éminente, ouverte à la fois à la sève évangélique et à la voie orientale contemplative et mystique. Jean Lavoué se saisit de l’appel de Marcel Légaut et esquisse l’avenir d’une nouvelle manière d’être en marche dans un monde qui se renouvelle par la voie de l'intériorité.
Georges Glaentzlin
(ancien consultant en SI, membre de l’ACML)
Quel avenir pour l’Association culturelle Marcel Légaut ?
Une enquête a été lancée auprès des 247 adhérents de l’ACML en 2023, 83 réponses ont été recueillies et analysées. Le passé de l’association, ses lieux de rencontre, dont La Magnanerie, ses points forts comme ses faiblesses, permettent à ce jour de cerner un avenir possible et souhaitable, pour peu que la relève de ses responsables soit assurée.
Bertrand Rolin
(doctorant à l’Université de Strasbourg)
Boquen, Guy Luzsénszky et Marcel Légaut : enrichissement mutuel et impact sur les groupes de chrétiens en recherche en Bretagne.
Guy Luzsénszky disait : « Marcel Légaut, mon maître ». De la part de ce moine cistercien, maître de théologie, directeur spirituel des novices et des retraitants pendant vingt ans à l’Abbaye de Lérins, prieur de l’Abbaye de Boquen lors d’une période de rupture puis cheville ouvrière d’une « Communion de Boquen Hors-les-Murs », la citation vaut d’être explicitée. Ils partageaient leurs questionnements spirituels sur des axes qui restent très actuels. Ces échanges participèrent à la nouvelle conversion de Guy Luzsénszky, alors sexagénaire, dont a témoigné François Biot. Guy Luzsénszky se ressourçait auprès de Marcel Légaut et de ses écrits mais il tenait surtout à partager sa pensée et à le faire connaître. Plus particulièrement en Bretagne, il accompagnait le groupe des Granges, principalement des membres de l’Association Culturelle de Boquen, qui se déplaçait chaque été dans la Drôme pour rencontrer Marcel Légaut.
Nous axons la présentation sur la période 1970 – 1990. L’impact sur les groupes de chrétiens en recherche en Bretagne dans cette période de grands changements de pratiques religieuses est assez diversifié. Guy Luzsénszky et Marcel Légaut se retrouvaient aussi dans leurs relations avec les autorités de l’Église Catholique. Les orientations successives de Bernard Besret qui a accueilli initialement Marcel Légaut à Boquen, les apports de personnalités comme Ado Barbedette, Auguste Coudray et d’autres ont joué un rôle tout au long de ces 20 ans. Les archives écrites et les témoignages sonores en Bretagne permettent souvent de déceler des influences qui ont modulé le message porté par le tandem Légaut/Luzsénszky.
Jean-Louis Schlegel
(sociologue des religions, éditeur et traducteur, proche de la revue Esprit, a accepté d’intervenir en tant que grand témoin.)
S’appuyant sur Introduction à l'intelligence du passé et de l'avenir du christianisme (Aubier, 1970), il souhaite témoigner de ce qu’a représenté ce livre pour lui et d’autres catholiques, au moment de sa parution, dans cette époque troublée de l’après-68 et de l’après-Concile.
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NB. Ne pas oublier que, sur le site de l’ACML, à la rubrique Histoire, il y a de nombreux dossiers avec, chaque mois, un ajout !