Aujourd'hui, j'ai rendez-vous avec moi-même
et je vais sur mes terres, je les parcours, j'en repère la texture, les dimensions.
Et j'y agrandis ma cathédrale intérieure,
la poussant sur ses bases, la hissant vers ses voûtes...
J'ai écrit sur ce thème de la « cathédrale intérieure » plusieurs années de suite, il y a maintenant plus de vingt ans,
à l'époque où je venais de découvrir la Magnanerie, et y faisais « mes débuts ».
Je suis vite entrée dans l'aventure (l'Aventure ? ) que portaient ces « rencontres », et qui les suscitait
en retour. Et ainsi, après avoir écouté ceux qui compagnonnaient là, revenant d'année en année
pour certains depuis très longtemps, j'ai eu envie à mon tour de tenter de trouver des mots pour «
dire » quelque chose de ce qui guidait, éclairait ma propre démarche, ma propre venue. Le langage
allusif, métaphorique m'est apparu le plus approprié car il m'évitait les deux écueils que sont le
« trop dire » ou le « trop taire » qui pénalisent tous deux toute vraie rencontre.
Et maintenant, à l'aujourd'hui de ce jour, qu'en est-il pour moi de mes belles paroles, de mes
belles intentions ? Cette cathédrale intérieure que je tentais de me construire, que je disais me
construire, où en est-elle après plus de deux décennies ? Toujours debout ? Et l'ai-je vraiment
agrandie, un tant soit peu ? En largeur, longueur, hauteur, profondeur ? Ou seulement dans une
dimension plus que dans les autres ? N'ai-je pas été prétentieuse en tant que « jeune légautienne »
débutante ? Mais une seule dimension, ne serait-ce que cela, c'est mieux qu'aucune, non ?
Et je pense à la cathédrale de Beauvais avec son chœur si élevé qu'aucune nef n'a pu se
maintenir à cette hauteur. Je pense aussi à une petite église de Bourgogne (que de loin on pourrait
prendre pour quelque bâtiment agricole !), où une nef étroite et très « terrienne » ouvre sur un
chœur aérien plus de deux fois plus élevé qu'elle, laissant au visiteur une impression durable de
vertige s'il en est, mais « vers le haut »...
Et je me tiens à la croisée des transepts,
passant par les bas-côtés, ou montant par la nef, selon.
J'avance précautionneusement vers le chœur. Je ne m'y attarde pas.
Et je me tiens là au creux du silence, dans cette demeure jamais achevée.
Ô que j'aimerais être fidèle à moi-même... au long de mes jours... Fidèle à cette invitation
(personnelle, de moi à moi adressée) pour une pratique toujours à reprendre, vigilante, ouverte. Et
alors dans ce simple rendez-vous,
peut-être resterai-je seule, peut-être m'accompagnerai-je,
peut-être quelqu'un se tiendra-t-il au milieu de nous,
de passage en cet instant ?
Parfois « ma cathédrale » c'est d'entrevoir celle des autres...
Mais le jour viendra-t-il où toutes ces images s'effaceront, et il n'y aura de vrai, alors, que le
« rendez-vous », ou seulement encore son désir, ou simplement le souvenir du désir, et cependant
Rien n'aura été vain, ni ne sera perdu ?
Anne Seval