La poésie ne se trouve pas d'abord dans les livres. Elle sautille comme un oiseau ivre sur les branches de nos vies. Il n'est pas nécessaire d'écrire ni de lire des poèmes pour se reconnaître d’elle. Mais il n'empêche qu'une certaine manière d'accueillir la parole, de se laisser dérouter par elle, d'y accorder son pas, peut vous donner ce goût intense et rare de perdre en vous le fil pour mieux le retrouver ailleurs. Autrement. Dégagé des pesantes certitudes. Capable de vous indiquer un chemin imprévu par où nul, avant vous, ne s’était jusqu’alors aventuré.
Lire et se laisser toucher par un tel accord, c’est en quelque sorte ressusciter en cet instant sans âge où la vie vous expulse de vous-même pour vous introduire de plain-pied dans son royaume. C'est retrouver cette impression première qui vous saisit, parfois dès l’enfance, devant les minuscules appels intérieurs qui vous orienteront ensuite avec douceur et fermeté sur les sentiers de votre exil, sans possibilités de retour en arrière : ce rien, cet imperceptible battement d’aile qui s’engouffre et déploie soudain en vous, dans le sens du courant, toutes les lumières du cœur. Vous n'avez de cesse alors de vous abandonner à la clarté d'un tel amour…
Prendre un livre de poésie entre ses mains, c'est se donner la chance de rejoindre ces signaux inconnus qui nous hèlent avec constance entre les rives du temps, et nous emportent parfois avec ardeur. Comme s’il y avait urgence et comme si nous n’étions au fond, chacun, qu’une sorte de manuscrit étrange ne demandant qu’à être enfin déchiffré, en sa langue secrète, connue de nous seuls… Et encore !
Ceux qui se risquent à accueillir cette langue en eux et à l'offrir aux passants inconnus peuvent ainsi réveiller à leur insu, de proche en proche, ce goût pour chacun de devenir à son tour le poète dont il a toujours rêvé. Même si, l’ignorant, il n’a fait jusqu’alors qu’en pressentir, avec étonnement, le signe. Notre époque demande des transmetteurs de ce feu intérieur. Des éveilleurs que chacun est à même de devenir à son tour…
« Ce rien qui nous éclaire » est ainsi comme le chant d'un rouge-gorge posé sur la souche d’un vieil arbre au détour du chemin. Il entre dans la ronde. Il vous fait signe. Son chant n’appartient à personne. Pas même à l’oiseau. Il laisse simplement aller ce souffle qui le traverse, espérant juste qu'il soit suffisamment poreux à cette lumière qui cherche son Orient en chacune de nos vies.
Je ne promets pas à celui qui saisit ce livre d'entendre à coup sûr, du premier coup, murmurer en lui cette voix remontée de l’enfance. Seuls certains livres sont capables de cela : ils ont été, le plus souvent, écrits sur le sable. Ou bien certains silences... Mais j'assure que ces poèmes ont été reçus, l’un après l’autre, pas à pas, ligne après ligne, dans cette clarté mouvante : pas un de leurs mots n'aurait pu l’inventer.
Vous pouvez commander l’ouvrage à Jean Lavoué, L’enfance des arbres, 3 place vieilleville, 56 700 HENNEBONT