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LA RENCONTRE DE L'AUTRE EN PROFONDEUR

Le bon Samaritain, lorsqu'il rencontre un blessé et oublie que c'est un homme impur ou n'en tient pas compte, s'est approché de lui et lui a porté secours. Il l'a aidé à se dégager des difficultés où il se trouvait et il est parti. Une rencontre en profondeur va beaucoup plus loin.

Prenons un exemple. Un jour, grâce à son expérience personnelle qui lui a permis de prendre conscience de la réalité humaine des hommes et aussi des femmes, pour autant qu'il peut entrer dans le mystère d'une femme, un homme découvre que sa mère a eu une vie de femme. Elle a eu des joies et des souffrances de femme. Alors, telle phrase qu'elle a dite, tel silence, tel sourire, toutes ces choses dont nous ne nous souvenions absolument pas, qui ont été emmagasinées sans que nous en prenions conscience,  nous reviennent maintenant parce que précisément nous découvrons que notre mère est une femme. Ces souvenirs ensevelis dans nos archives vont réapparaître à la conscience claire à la suite de cette découverte. Alors on peut remarquer l'extraordinaire disproportion entre ce que je peux reconnaître d'elle, au-delà de ce que je connais.

C'est important, cette différence d'ordre entre la connaissance que je peux avoir de quelqu'un et la  reconnaissance. Cette reconnaissance est d'autant plus distincte de la connaissance, tout en en étant dépendante, que ma vie d'homme, ma vie spirituelle se développe. Plus je suis intelligent sur la condition humaine à partir de la prise de conscience de ce que je dois être, plus je suis intelligent de ce que l'autre est. 

Cette reconnaissance, c'est l'intelligence de ce que ma mère a pu vivre, ses joies, ses souffrances aussi. Elle est fonction du peu de choses que je sais d'elle, et, d'autre part, de l'activité qui m'est propre.

La reconnaissance en profondeur de l'autre se fait conjointement avec la découverte de ce qu'on est soi-même. et la relation que j'ai avec l'autre est autant pour le reconnaître à partir de ce que je sais de lui que pour me reconnaître à partir des souvenirs que je peux avoir de moi-même. Quand deux êtres se reconnaissent à ce niveau, ils s'enfantent mutuellement et, il faut bien le dire, l'homme a besoin d'être enfanté continuellement, en particulier par la femme, sa mère d'abord, et par les rencontres féminines qu'il fera le long de sa vie, dans la mesure où ces rencontres seront dans la ligne spirituelle à la fois de ce qu'il est et de ce que les autres sont.

J'imagine que la femme aussi a continuellement besoin d'être fécondée par la rencontre d'autres hommes qui par certains côtés lui apportent ce dont elle a besoin pour se développer spirituellement. La vie spirituelle est sexuée, il ne faut pas oublier ça. Je peux avoir une telle  rencontre avec un autre homme mais, que ce soit de l’hétéro - ou de l'homosexualité, dans les deux cas, il y a cet attrait qui permet d'avoir avec l'autre une communion en profondeur où chacun de nous se révèle à  l'autre tout en se révélant à lui-même. C'est capital au point de vue spirituel. 

Marcel LEGAUT, Retraite à St-Hugues de Biviers, novembre 1980