Je ne pouvais pas douter de la vérité de ce besoin et de ce désir tant ils s’imposaient à moi avec force, de façon relativement stable, tant peu à peu ils m’investissaient et m’envahissaient davantage tout entier.
Ce désir et ce besoin, l’un et l’autre s’aidant à s’expliciter et à grandir, ne relevaient pas particulièrement de mon initiative. Ils ne provenaient pas seulement du dynamisme propre à la jeunesse ni de la considération des moyens que je me connaissais. Je l’ai compris depuis. Ils étaient bien plus le fruit d’une vie spirituelle qui, dans le secret, se développait depuis mon enfance.
Sans nul doute, ce désir et ce besoin grandirent en moi en même temps que je m’approfondissais et que je n’étais plus seulement le surgeon de mon terrain d’origine. Désormais, entré dans ma vie propre, grâce à l’exactitude et au sérieux des engagements que ma foi et ma fidélité m’avaient conduit à prendre, je fus rendu davantage capable de devenir avec exactitude l’homme singulier et irremplaçable que j’avais à être de par mes possibilités connues ou encore secrètes.
J’ai vu depuis comme une confirmation de la « justesse » de ma voie, j’ai su m’orienter peu à peu, et par des étapes non préméditées, vers l’œuvre imprévisible, mais finalement nécessaire, celle que nul autre n’avait à faire, ou du moins n’aurait pu conduire de la même manière, vers l’œuvre qu’il me fallait entreprendre, sinon réussir, tout au long de ma vie.
Marcel Légaut, Méditation d’un chrétien du XXe siècle (Aubier p. 23-25)
NB. Dans le texte ci-dessus, qui est intégralement de Légaut, j’ai procédé à de nombreuses coupures, non signalées, pour en faire ressortir la trame et j'ai mis en italique certains passages. Jean-B. Mer