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I) Dans son message Internet envoyé, pour nous informer de la publication en février 2022 d’un de ses derniers livres, intitulé L’allegro spirituel, Jean Lavoué a repris des extraits de l’avant-propos de son livre en guise de présentation, que je me permets de reprendre tant ils en résument les grandes lignes : « Ce que j’appelle "l’allegro spirituel", c’est ce)e mutation rapide amenant aujourd’hui, dans toutes les traditions, un nombre croissant de personnes à prendre leurs distances avec les formes culturelles, sociologiques et dualistes de la religion reçue. Elles s’engagent dans une quête de sens plus personnelle, fondée sur leur expérience propre : une approche plus dialogale, plus poétique et plus mystique aussi. Un nouveau paradigme qui est aussi un déplacement : le lien fécond avec les pratiques silencieuses proposées par les spiritualités orientales y est souvent évoqué. [...] Ce)e approche consonne avec le diagnostic de José Arregi [N de JJC : théologien espagnol, qui intervient notamment dans la revue de la Fédération des réseaux du Parvis] : «Les religions se trouvent, à notre époque, devant un défi historique : ou bien nous consentons à transformer radicalement notre façon de comprendre et de pratiquer les religions traditionnelles, en nous laissant inspirer par l’esprit plus que par la le)re, ou bien nous nous résignons à ce que les religions – christianisme compris – soient réduites à des bastions sociaux et culturels, jusqu’à ce qu’elles s’éteignent, leur legs spirituel tombant dans l’oubli ».

Je ne conteste pas que les églises catholiques d’Occident, confrontées à des rumeurs de schisme des catholiques américains conservateurs, à des crimes pédophiles depuis plus de 70 ans, et aussi à un déficit des vocations, ont besoin de grands changements pour sortir de la crise actuelle. Mais toutes ces raisons n’expliquent pas l’érosion, ne parlons pas d’hémorragie, des catholiques désertant les bancs des églises depuis plus de 50 ans, sans pour autant se rendre forcément dans les temples (Réforme, hebdomadaire protestant, Église catholique : la crise de confiance, n° 3921 du 17 octobre 2019).

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II) J’ai reçu le compte-rendu de la dernière Assemblée Générale de la communauté de Saint-Merry-hors-les- murs qui avait été brutalement expulsée le 1er mars 2021 par le précédent archevêque de Paris, de l’église Saint Merry à Paris (4ème arrondissement). À cette AG, qui s’est tenue le 21 novembre 2021, les membres de la communauté avaient invité par audio François Cassingena-Trévedy (FCT) à répondre à leurs questions portant à la fois sur la vie de leur communauté ecclésiale et sur l’avenir de l’Église catholique. Comme à son habitude, FCT a reformulé les questions et approfondi ses réponses, argumentées uniquement par son expérience et le Nouveau Testament. C’est un tout autre point de vue que celui de Jean Lavoué que FCT nous expose, sans porter un quelconque jugement de valeur sur l’un ou l’autre.

FCT commence son intervention par une parole d’encouragement adressée aux participants « à partir de la richesse des trésors humains, culturels, ecclésiaux que vous avez mis en œuvre. Alors, comment faire ? À la fois, être des hommes et des femmes d’audace, et puis patiemment, là où nous sommes, je ne dirai pas tolérer mais accueillir les réalités telles qu’elles sont. [...] Bien sûr, là où je suis, je garde en moi un énorme questionnement. Ce questionnement, ce n’est pas simplement sur les structures ou la gouvernance de l’Eglise catholique mais sur le discours même de notre foi : Que croyons-nous ? Et que donnons-nous à croire ? Cela exige une vérité, une exigence, j’oserais dire une exactitude [...]. L’important, c’est que nous gardions intérieurement ces questionnements et dans les deux dimensions de l’Évangile :- a) celle d’Emmaüs, qui dialogue autour de l’Ecriture. Ecriture qui ne vit que dans le questionnement que nous posons sur elle, la comparaison des textes, l’exégèse au sens vivant, c’est sûr qu’il y a là un immense travail, – b) celle de l’Eglise qui ne soit pas seulement distributrice du sens et des sacrements, mais qu’elle soit une communauté d’interprètes et de chercheurs, tout cela dans une unité, dans l’abdication de toute supériorité quelle qu’elle soit, cléricale ou laïque. [...]. Et l’enjeu pour nous, c’est de nous effacer pour qu’il apparaisse. Et pour que notre cœur devienne brûlant, et que le cœur de ceux qui nous rencontrent devienne tout aussi brûlant au prix de notre propre disparition. Au centre de notre assemblée, au centre de notre foi, il doit demeurer une place vide, un vide créateur, c’est la présence du Christ lui-même [...] qui vient au milieu de nous. [...] Tous nous sommes habités par le dessein qui nous accompagne dans le partage de la parole et le partage du pain. Alors, quel avenir pour l’Église dans ce)e synodalité [...] qui n’est pas seulement celle des clercs, pas simplement celle des laïcs seuls, mais qui est celle de tous dans la communion de notre dignité de baptisés et dans la mise en commun de notre service ? Puisqu’il n’est pas venu pour être servi mais pour servir, et c’est bien cela la spécificité de la communauté chrétienne et de ses membres, nous sommes tous serviteurs, c’est à ce signe qu’on vous reconnaîtra. [...] C’est parce que nous aimons l’Eglise que nous cherchons autre chose. Non pas simplement de la réformer, l’histoire est pleine de projets de réforme. Il ne s’agit pas non plus de la réformer de l’extérieur, il faut vraiment vivre là où nous sommes, sans condamner, sans claquer la porte, parce que ce serait nous perdre. On ne peut la sauver qu’en l’habitant, qu’en rayonnant à l’intérieur même.»

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Vivre en chrétien dans un temps qui n’est plus de chrétienté est exigeant comme l’était au début du christianisme vivre en disciple de Jésus ...

Marcel Légaut, Intériorité et engagement, Aubier, 1977, p. 9

JJ CHEVALIER