Marcel LÉGAUT par lui-même
Je suis né avec ce siècle, j’ai donc à peu près 81 ans. Je suis d’origine petite bourgeoisie parisienne. Comme tous les Français, mes grands-parents étaient paysans, du moins du côté de mon père.
Mon père est né en 70, il n’a jamais connu le sien qui est mort à l’occasion des contagions qui ont suivi la guerre de 70. Il a donc été élevé, très difficilement, par ma grand-mère, paysanne, qui écrivait à son fils qui était à ce moment-là à l’école normale d’instituteurs : Je t’envoie quatre sous, économise-en deux. Mon père est devenu professeur de mathématiques, à la force du poignet, dans un collège à Paris… D’origine par conséquent modeste, pour le moins. D’une famille chrétienne comme on l’était au début de ce siècle. La femme allait très régulièrement à la messe tous les dimanches, le mari y allant non moins régulièrement, mais par fidélité conjugale.
Ma mère, très pieuse, très religieuse, comme on pouvait l’être à son époque, où les femmes étaient à peu près incultivées. Je me rappelle d’une discussion d’une de mes tantes, à peu près par conséquent de l’âge de ma mère, avec son mari qui était dentiste, c’était au sujet d’Adam et Ève. Le dentiste, étant le représentant de la science à l’époque, contestait la réalité d’Adam et Ève, et ma tante disait : Mais, voyons, j’ai la photographie sur mon livre !... Voilà la culture religieuse d’une femme de 50 ou 60 ans, vers 1910, après avoir vécu 50 ans avec les prônes reçus tous les dimanches à l’église ! Il faut se rendre compte de ces choses !
J’étais dans une paroisse très cotée, bourgeoise, de haute bourgeoisie, Saint François de Sales, avec comme curé un prêtre célèbre, l’abbé Loutil qui s’appelait Pierre l’Ermite dans le journal « La Croix ». J’ai donc eu une enfance très chrétienne au sens très ordinaire du terme, mais sérieuse. Je ne regrette pas du tout cette formation catéchistique par questions et réponses, beaucoup de cantiques, catholiques et français toujours et d’autres choses de ce genre… Tout cela, excellent ! Mais, à l’âge de 20 ans, quand je suis rentré à l’École Normale Supérieure, j’ignorais qu’il y avait quatre évangiles, pourtant j’avais suivi le catéchisme de persévérance tous les dimanches pendant une bonne douzaine d’années. (…)
À partir de cette formation très classique que j’ai reçue jusqu’à l’âge de 20 ans, j’ai eu deux grâces dans ma vie : d’abord, d’avoir rencontré un spirituel, le P. Portal et, deuxièmement, d’avoir été pendant toute ma vie accompagné, plutôt accompagnant d’ailleurs un groupe qui s’est fondé vers 1925 et qui existe encore. Ce sont les deux bases sur lesquelles ma vie spirituelle s’est progressivement construite.
Extrait d’une conférence prononcée
à la Communauté du Chemin Neuf (en 1981)
Enregistrée et éditée sur CD ROM (AME) par Jean-Pierre Nave