Le divin, peut-être
Francine Carrillo dans « Filigrane », p.21, son dernier livre, nous dit : « … Efforce-toi de devenir, car c’est précisément cela… être ! Toi aussi, tu as à être, toi aussi, tu seras ! Et si cette injonction est portée par les quatre lettres imprononçables, YHWH, qui dessinent vraisemblablement une forme du verbe être au futur, c’est pour signifier que Dieu habite l’humain avant tout comme un “Peut-être“ qui soutient une parole propre à libérer sa vitalité : non pas “Tu dois“ mais “Tu peux“ ! »
Elly Hillesum découvre Dieu en elle-même. Elle va jusqu’à dire que nous avons à le faire exister. Ce qu’elle pratique en étant le cœur vivant de la baraque, dit-elle, baraque d’un camp de concentraon pour les juifs pendant les années de guerre.
Ernst Wiechert est un écrivain de langue allemande. Il a été détenu en camp de concentraon sous la dictature nazie, pour ses idées développées devant ses étudiants contre l’esprit de conquête et d’oppression. Oublié aujourd’hui, il est mort en 1950 en Suisse. J’ai découvert cet auteur grâce à Marcel Légaut. Dans son roman « Les enfants Jéromine » nous pouvons rencontrer un pasteur qui a perdu la foi après avoir enterré de nombreux enfants d’un pauvre village qui vit comme il y a quelques siècles. Cet homme est soutenu par tous les habitants sans le juger et avec bienveillance. La foi en Dieu y est interrogée tout le long de chacun de ses romans. L’oeuvre d’Ernst Wiechert est nourrie de la bible à chaque page.
Dans l’évangile de Luc, en chemin vers Emmaüs, j’apprécie beaucoup ce moment où Jésus explique à deux de ses disciples les écritures le concernant. Le lecteur sait seulement que leur cœur était brûlant ; j’aurais aimé entendre cet échange sans doute très dense. Je suis bouleversé aussi quand, rentrés dans l’auberge, à la fraction du pain, ils le reconnaissent et leurs yeux s’ouvrent sur une absence.
Avancer malgré tout sur notre chemin d’intériorité avec plus de questions que de réponses, puisque c’est en marchant qu’on le découvre : « En route donc encore une fois ! Je suis un marcheur voûté par ses doutes. Mais il arrive que des souffles bienheureux m’emportent », nous dit Philippe Jaccottet. (dans œuvres pléiade « L’habitant de Grignan » p 94)
Jean-Yves Poisson