DEVENIR DISCIPLE DE JÉSUS (4)
Comment moi, chrétien du vingtième siècle, je vois Jésus, comment je l'actualise, comment je reçois de lui,comment m'est-il présent aujourd'hui ? (…) Ce qui me frappe d'abord avec beaucoup d'émotion, c'est que tout ceque je vois dans la vie de Jésus, je le comprends parce que je l'ai déjà moi-même vécu un petit peu. C'estjustement en le comprenant dans ma propre vie que je le découvre au-delà de la lettre, dans ce que Jésus afait et dans ce qu'on m'a dit de lui. Inversement, en entrant plus en profondeur dans ce que je crois que Jésus a vécu il y a vingt siècles, je me comprends plus profondément. Jésus est le chemin. Il est tout à fait normal que,puisqu'il est le chemin, je le découvre davantage à mesure que j'avance vers lui et que, à mesure que je comprends mieux ce qu'il a vécu, je me comprenne mieux moi-même.
La première période qui me frappe et qui me touche profondément, c'est ce qui s'est passé à l'âge de douze ans,lorsqu'il est monté à Jérusalem avec ses parents et où il se manifeste enfant de caractère. Il a fait une fuguece jour-là. Il n'a pas demandé à ses parents l'autorisation de rester parce que probablement on ne la lui aurait pas donnée. II est resté au temple parce que les questions religieuses l'intéressaient profondément. Les parents l'ont retrouvé et il leur était soumis, comme il est dit dans les écritures. Mais au moment où il a pris la décision derester seul, laissant ses parents retourner tranquillement, il a manifesté à la fois une vigoureuse indépendance, du caractère par conséquent, et un vigoureux intérêt pour les questions religieuses.
L'âge de douze ans n'est pas un âge quelconque.(…) On a comme une idée à ce moment-là de ce qu'on feraplus tard, une idée fausse d'ailleurs parce qu'on conçoit son avenir à partir du milieu dans lequel on se trouve,par conséquent dans des conditions sociologiques très différentes des événements qu'on rencontrera plus tard.Mais, en vérité, l'esprit fondamental qui s'incarne à partir de ces notions initiales se trouve le même. C'est unedes joies d'un vieux de s'apercevoir que, quand on a été suffisamment fidèle, l'esprit fondamental de ce qu'onvit maintenant est tout à fait dans la ligne de ce qu'on vivait jadis, comme un enfant peut le faire avec des idées fausses mais en définitive avec l'idée fondamentale qui sera l'idée maîtresse du sens de sa vie.
Voilà le premier point. Jésus, vers l'âge de douze ans a manifesté une première prise de conscience de ce quiallait être le sens de sa vie, sa mission. Et puis, pendant longtemps on n'entend plus parler de lui. C'est versl'âge de trente ans que nous le voyons de nouveau apparaître dans les foules qui se rendent sur les bords duJourdain pour se faire baptiser par Jean. (…) Il rencontre Jean-Baptiste. La rencontre de deux grands. Jeanreconnaît en lui un maître, un disciple de choix pour le moins. Jésus reçoit de cette rencontre une prise deconscience singulière de sa mission. Ceci bien entendu est présenté dans les écritures avec les formes dutemps que vous connaissez.
Ceci est aussi une réalité qui peut être vécue par chacun d'entre nous et qui l'est souvent. Nous avons besoin d'êtreamorcés dans la vie spirituelle par quelqu'un qui nous a devancés sur le chemin et qui nous est suffisamment proche pour que sa présence éveille en nous une nouvelle présence. Je vous avoue pour ma part que j'ai eu cettegrâce, vers l'âge de vingt ans, avec la rencontre de quelqu'un, dont on connaît maintenant un peu le nom,puisqu'on vient de fêter le cinquantenaire de sa mort il y a quelques mois, Monsieur Portal. C'est lui qui m'aéveillé à la vie spirituelle, moi qui étais un petit enfant bien sage ayant été au catéchisme de persévérance, quisavais un tas de choses sur la crise protestante mais qui ignorais radicalement tant de choses plusessentielles sur l'Église au moment où elle n'était pas si brillante que ça. (à suivre)
Marcel LÉGAUT, Bruxelles 1976
Articles et conférences
Cahier 8 Tome II p.275-276 (éd. Xavier Huot)