L’homme reçoit aux heures de lumière, avec l’assurance intime de l’exactitude de sa voie, celle de la justesse de ses vues. Cette prescience n’est nullement engendrée par la curiosité ni par l’anxiété devant l’inconnu. Elle est d’autant plus exacte que l’homme n’a pas pesé sur elle par ses réactions même les plus raisonnables, ni ne lui a rien ajouté par ses déductions même les plus vraisemblables . Elle jaillit de lui plus encore qu’il ne la tire de soi. Il l’accueille avec quelque passivité plus encore qu’il ne la recherche activement. Il la tient à distance sans d’ailleurs la fuir. Cette illumination exige une acceptation qui souvent n’exclut pas l’angoisse, tellement elle va au-delà de l’instinct, tout en s’appuyant sur lui. A ces conditions, elle le visite de sa grâce propre.
L’activité spirituelle qui permet cette prémonition n’est pas ordinairement donnée au commencement de la vie (…). Il faut cependant noter l’annonciation que connaissent certains jeunes dès l’adolescence, quand ils entrent dans une vie plus personnelle. Ils découvrent dans une lumière et une joie qui pourront s’éteindre mais qui ultérieurement se montreront fondées, ce qu’ils sont appelés à être s’ils sont fidèles à leurs très profondes aspirations, qui sont aussi de très réelles inspirations. Mais précisément ces dernières sont alors perçues de façon si ardente que, malgré leur âge, ils déjà fortement vécu.
L’homme à la recherche de son humanité, Aubier 1971, pp.79-80.