MARCEL LÉGAUT, UN HOMME DE FOI ET SON ÉGLISE
Comment Marcel Légaut vivait-il son appartenance et sa fidélité à l’Église catholique, celle qu’il nommait sa mère et sa croix en exergue de son livre «Mutation de l’Église et conversion personnelle» paru en 1975? Sans vouloir être exhaustif ni complet, je propose trois pistes de réflexion.
D’abord, cette passion de l’Église apparaît tout au long de ses publications ou de ses interventions : « Croire en l’Église de l’avenir » (1985) avec une préface « passionnée » et dont je reprends la conclusion ci-dessous ; « Un homme de foi et son Église » (1988) qui invite à renouveler le futur tissu des Églises en faisant naître des petites communautés de foi ; « Passion de l’Église », qui propose les réflexions du chrétien Marcel Légaut s’échelonnant de 1970 à 1989 sur l’avenir de l’Église dont « L’appel d’un catholique à son Église » paru dans le journal Le Monde le 21 avril 1989.
Ensuite, alors que je relisais il y a quelques jours toutes les citations proposées pour le mois de décembre dans le petit livre « Marcel Légaut, une pensée par jour », trois d’entre elles – les 11, 17 et 20 décembre – m’invitaient à réfléchir et à méditer sur l’Église:
« L’exigence intérieure de la vie spirituelle implique, non pas de sortir de l’Église-institution, mais de la porter et de la supporter pour la faire vivre et l’aider à la conversion qui lui est sans cesse nécessaire. »
« Si l’Église, malgré tant de raisons et d’occasions de trahir le message de Jésus, lui est demeurée fidèle pour l’essentiel, c’est grâce à la succession sans interruption à travers les siècles, de disciples qui, comme ceux des origines, ont rencontré Jésus sur leur chemin, l’ont reçu et reconnu. »
« L’Église est le milieu favorable, et sans nul doute nécessaire, pour que les hommes, grâce à l’approfondissement spirituel qu’ils ont à atteindre, découvrent ce que Jésus a été pour eux, pour qu’ils découvrent ainsi leur mission en la greffant sur celle de Jésus et qu’ils fassent l’approche de Dieu à la suite de Jésus qui est de Dieu. »
Je crois pouvoir dire aujourd’hui que si je ne suis pas sorti de l’Église et si j’essaie d’y être créateur et engagé tout en étant critique et exigeant pour l’aider dans sa nécessaire mutation et faire qu’elle soit elle-même créatrice et davantage une communauté qu’une collectivité, c’est parce que je suis encouragé et stimulé par les paroles et la fidélité de Marcel Légaut à son Église.
Enfin, toujours sur le thème de l’Église, j’aime relire de temps en temps le dernier paragraphe de sa préface dans « Croire en l’Église de l’avenir » où il est question d’un combat permanent entre le neuf et le vieux :
« En ces temps où, de toutes parts, le vieux craque, se déchire et tombe de vétusté ; où, à défaut d’initiatives vraiment créatrices, on en vient à magnifier un passé dont les déficiences, proches du contre-sens et de la trahison, sont cause de la crise du présent ; où par réaction, on s’attache à ce qui encore demeure, même s’il n’en reste que ruines ; où l’on cherche à revivre ce qui était jadis vivifiant et qui ne peut plus être maintenant que facticité pieuse – ainsi fit le paganisme romain aux temps des derniers sursauts de son agonie sous le règne de Dioclétien – donnez à vos disciples, Jésus, la patience que vous n’avez pas eu la possibilité d’exercer parce que vous étiez trop grand, trop puissant pour qu’on vous le permette. Votre message était trop en avance sur votre temps pour que sa percée à travers les siècles, en tout lieu, n’exigeât de vous l’impatience «suicidaire» qui vous fit rapidement condamner à mort et disparaître. Donnez-leur la lumière et la force de vivre de façon persévérante et discrète dans la foi et la fidélité, afin qu’ils soient, chacun à leur place – la plus modeste et la plus cachée est la meilleure – l’ouvrier, infime et éphémère mais nécessaire, de ce combat qui ne cessera jamais entre le neuf et le vieux, tant que, sur cette terre, à votre suite, des hommes se lèveront comme vous avez fait et persévéreront grâce à ce que vous êtes devenu pour eux. »
Pour conclure, faisons nôtre cette prière que nous venons de lire !
Jésus… donne à tes disciples… donne-nous la lumière et la force de vivre de façon persévérante et discrète dans la foi et la fidélité, afin que nous soyons, chacun à notre place – la plus modeste et la plus cachée est la meilleure - l’ouvrier… l’ouvrière… infimes et éphémères mais nécessaires, dans ce combat entre le neuf et le vieux, tant que, sur cette terre, à ta suite, des hommes et des femmes se lèveront comme tu l’as fait… des femmes et des hommes persévèreront grâce à ce que tu es devenu pour eux.
Serge Couderc