Deux chrétiens en chemin – Marcel Légaut-François Varillon
Lyon – cercle Kierkegaard - Septembre 1977 : dialogue sur l'Église et la foi
Et si nous prenions un temps pour faire le point et redonner du souffle à notre vie spirituelle en écoutant deux croyants, deux témoins, qui ont l'un et l'autre une parole authentique. Mon ambition serait de vous donner le désir de lire ce dialogue. Si l'approche est différente, c'est bien la même foi qui anime Marcel Légaut et François Varillon et l'un et l'autre souhaitent faire connaître Jésus afin que nous nous mettions en route comme ceux qui ont posé leurs filets et ont suivi Jésus sans savoir où ça les mènerait… Il ne s'agit pas d'un débat, mais d'une méditation à deux voix sur fond d'amitié. Même si des divergences subsistent, c'est un dialogue dans l'Église et dans la foi. La parole de Marcel Légaut est mise en valeur par la qualité de l'interlocuteur qui a une place reconnue dans l'institution.
Ainsi, prenons le dernier chapitre Fonction cultuelle et Mission de la Parole (p. 175) qui aborde la question des prêtres et de l'avenir de l'Église. FV demande à ML de développer sa pensée au sujet de la séparation entre la fonction cultuelle et la mission de la parole. ML montre combien, dans la situation présente, la célébration de la cène par des laïcs s'avère nécessaire :
Pour moi l'essentiel de la raison d'être de l'Église, c'est la mission et non pas la conservation d'un exercice du sacerdoce qui ne date même pas des origines… En France, nous nous acheminons rapidement vers une situation tout à fait semblable à celle que connut l'Église primitive : des chrétiens partout, mais extrêmement minoritaires, dispersés en tout petits groupes. L'Église se doit de leur donner la possibilité de célébrer de temps en temps la Cène comme il semble que Jésus l'a recommandé à ses disciples, comme au moins ceux-ci en ont compris la nécessité quand ils ont commencé leur vaste campagne d'apostolat… De toute façon, l'Église ne peut accomplir pleinement sa mission dans le monde que par l'intermédiaire d'implantations locales qui la rendent présente effectivement à tout homme quand celui-ci est conduit à prendre conscience plus totalement de sa condition humaine et des frontières de la vie, quand il approche du seuil de l'absolu et qu'il devient ainsi davantage capable d'être interpellé par Jésus grâce à la médiation des Écritures et des disciples… Aussi dans la situation qui s'annonce, et déjà elle existe dans plus d'un lieu, il semble que de façon inéluctable on sera conduit à distinguer radicalement la fonction cultuelle que demande la célébration de la Cène, cette action communautaire chrétienne par excellence, de la mission apostolique, cet appel par la présence qui, avec le secours de la parole et de l'exemple, aide chacun à se rendre Jésus réel et actuel…. La fonction cultuelle, si elle demande de la foi et de la piété, n'exige pas la formation, la culture, la vie spirituelle, ni surtout le charisme relativement rare qui permettent la mission d'apôtre. Aussi les « pouvoirs » qu'elle requiert pourraient, même dès maintenant, être confiés à nombre de croyants qui, jugés aptes et dignes, auraient été au préalable amenés à regarder cette fonction comme faisant partie de leur rôle personnel dans l'Église. Sans qu'ils aient à quitter leur métier, ils seraient ainsi, en union avec l'Église et plus précisément avec l'Évêque qui la représente dans leur milieu, en mesure de renouveler la Cène dans leur communauté… Pour leur croissance humaine et dans la foi, ces croyants ont besoin d'être personnellement responsables de l'existence de leur communauté…
Le dialogue facilite la lecture et nous découvrons un "Légaut" se livrant totalement pour faire partager ses convictions. Mettez-vous en chemin avec ces deux croyants, vous ne le regretterez pas.
Antoine Girin