« Selon le grand théologien Marcel Légaut… »
« Selon le grand théologien Marcel Légaut, il y a des religions d’autorité et des religions d’appel. Qu’est-ce que cela signifie dans les temps actuels d’être une religion d’appel ? ». Cet extrait vient d’une recension datée du 11 mai dernier et lue sur le site de la Conférence Catholique des Baptisé-e-s Francophones (la CCBF) (1)
Ces dernières années, un certain nombre d’auteurs, de théologiens, d’historiens ont présenté Marcel Légaut et ont mobilisé sa pensée et ses écrits.
En 1974 en allemand et en 1976 en français, le théologien suisse Hans Urs von BALTHASAR publie Le complexe antiromain, un essai sur les structures ecclésiales (2), ouvrage dans lequel il fait, en quelques pages, une relecture personnelle et originale des premiers écrits (1935-1972) de Marcel Légaut. Il écrit, en particulier : « (…) nous choisirons un troisième exemple qui traite de cette unité abstraite (et donc sociologique) de l’Église dans un cadre théologique sérieux : l’esquisse de Marcel Légaut qui cherche à relier le temps d’entre les deux guerres à notre époque post-conciliaire actuelle. (…) En 1970/71, il fit sensation en présentant un programme complet de doctrine pour une intelligence actuelle de l’Église et sa réforme en profondeur. (…) Bien qu’il ne soit ni théologien ni exégète, Légaut ose aborder les origines bibliques, et il y jette l’ancre. (…) » (pages 138-139 et 143).
En 1992, Henri GUILLEMIN, historien et critique littéraire, publie Malheureuse Église (3). Dans son prologue, après Jean-Jacques ROUSSEAU et avant le Révérend Père CONGAR et Hans KÜNG, il présente longuement Marcel Légaut et ses livres des années 1971 et 1975 sur le christianisme et sur l’Église.
En 1999, Pierre PIERRARD, historien, et Nicolas PIGASSE, journaliste, dans Ces croyants qui ont fait le siècle (4) présentent ensemble Marcel Légaut et Jean Sulivan : « A la fin du XXème siècle, alors que, chez les croyants, se développe le désir d’être moins « le levain dans la pâte » que « la lumière sur la montagne » ; alors que l’engagement total des chrétiens dans la cité semble céder le pas à la recherche d’une identité personnelle affirmée, deux hommes, un laïc, Marcel Légaut (1900-1990) et un prêtre, Jean Sulivan (1913-1980), ont rappelé aux croyants l’importance du mystère de l’Incarnation, humblement mais constamment vécu dans la quotidienneté.(p 25) ».
En 2007, Joseph MOINGT, jésuite et théologien, dans la 2ème partie du tome 2 de son ouvrage Dieu qui vient à l’homme (5) présente Marcel Légaut comme « grand témoin du christianisme du XXème siècle, grand penseur également de la condition de l’homme moderne. (…) Passionnément voué, comme par mission personnelle, au réveil évangélique des consciences chrétiennes (…) » (page 831) dans un sous-chapitre intitulé Vers une Église du témoignage qui développe ce que Marcel Légaut nommait les « communautés de disciples ». En 2013, Joseph Moingt publie un premier volume d’articles ou de conférences déjà parus intitulé Figures de théologiens dans lequel Marcel Légaut a sa place parmi d’autres « portraits théologiques » (voir la note 6). Joseph MOINGT écrit dans son avant-propos : « Un grand intellectuel chrétien, dont la vie recouvre la durée du siècle écoulé, Marcel Légaut, souffrait, lui aussi, de voir l’Église s’enfoncer dans la mort, mais souffrait encore davantage de la voir plus préoccupée de survivre que de sauver le monde de la déshumanisation où l’entraînait le matérialisme ; il ne doutait pourtant pas qu’elle renaîtrait au prix d’un retour à l’Évangile, mais à la condition d’accepter de passer par la mort à laquelle Jésus ne s’était pas dérobé. Le témoignage de ce laïc épris de théologie sera précieux aux chrétiens du siècle nouveau qui cherchent à leur tour dans l’Évangile la voie de la renaissance d’une Église qui accepterait sérieusement de se mettre au service du monde selon le vœu du concile, quitte, pour cela, à exister autrement. » (p VI-VII)
En 2011, Dominique BARNÉRIAS, théologien, faisant suite à sa thèse de doctorat, publie La paroisse en mouvement, ouvrage dans lequel, dans sa troisième partie Vers un nouveau style paroissial (7), il mobilise, dans le champ de la théologie pratique et sur plusieurs pages, le concept d’appropriation cher à Marcel Légaut : « Pour éclairer ce que signifie l’appropriation comme processus spirituel, nous faisons appel ici à l’œuvre de Marcel Légaut (1900-1990). Il a mis en lumière les dimensions du travail intérieur que représente une véritable appropriation, en particulier dans son livre : Devenir soi et rechercher le sens de sa propre vie. (…) un livre de pédagogie spirituelle (…) » (p. 348).
Marcel Légaut était-il un grand théologien ou un laïc épris de théologie ? ... Qu’importe !
L’important n’est-il pas qu’il inspire encore aujourd’hui des auteurs et des chercheurs par la richesse de ses propres recherches et de sa voie spirituelle, et, surtout, qu’il ouvre un chemin pour « devenir soi et rechercher le sens de notre propre vie » et, à celles et ceux qui le souhaitent, pour devenir disciple d’un certain Jésus ?
Passez un bel et bon été !
Serge COUDERC
(2) Hans Urs von BALTHASAR, Le complexe antiromain - Essai sur les structures ecclésiales, MÉDIAPAUL, 1976, réédition en 1998, pages 138-148.
(3) Henri GUILLEMIN, Malheureuse Église, Éditions du Seuil, 1992, pages 25 à37.
(4) Pierre PIERRARD et Nicolas PIGASSE, Ces croyants qui ont fait le siècle, Bayard Éditions – Centurion, 1999, pages 25-27.
(5) Joseph MOINGT, Dieu qui vient à l’homme, t. II : De l’apparition à la naissance de Dieu, 2, « Cogitation fidei », n°257, Éditions du Cerf, 2007, pages 830-867.
(6) Joseph MOINGT, Figures de théologiens – M. Blondel, E. Troeltsch, D. Bonhoeffer, A. Dumas, M. de Certeau, H. de Lavalette, G. Kowalski, H. De Lubac, M. Légaut, J. Loew, Éditions du Cerf, 2013, pages 267-273.
(1) (7) Dominique BARNÉRIAS, La paroisse en mouvement – L’apport des synodes diocésains français de 1983 à 2004, Desclée de Brouwer, 2011, pages 348-356.