Marcel Légaut, John Shelby Spong, Joseph Moingt
Convergences
Trois témoins du christianisme contemporain
Dans les cinquante dernières années, ces hommes sans se rencontrer ont perçu avec acuité combien les Eglises chrétiennes avaient perdu de leur crédibilité aux yeux d’une partie importante de leurs fidèles, à cause de leur doctrine, de leur morale et de leur fonctionnement figés dans un passé révolu. Et le phénomène n’a fait que s’amplifier depuis.
Dès 1970, dans la revue des « Etudes », Marcel Légaut écrit un article remarqué, « La passion de l’Eglise », prélude à une douzaine de livres à la fois critiques de l’évolution de son Eglise et appelant à sa « mutation ».
Le second, John Shelby Spong, âgé actuellement de 87 ans n’est connu en France que depuis quelques années. Cet ancien évêque anglican des Etats-Unis ne cesse depuis 1973 de dénoncer en de nombreux ouvrages la dérive mortelle du fondamentalisme dans la lecture de la Bible. En même temps il oeuvre de toutes ses forces au service d’un christianisme croyable par nos contemporains.
Le troisième est le théologien jésuite Joseph Moingt âgé de 103 ans. Lui aussi constate depuis longtemps la crise de crédibilité de l’Eglise catholique dans le monde actuel. Ses derniers livres, et notamment le tout dernier, invitent à prendre conscience de ses causes lointaines. Elles datent du temps où la voie évangélique s’est transformée en religion.
Leurs convergences pour un christianisme crédible
Pourquoi les évoquer tous les trois ensemble en 2019 ? C’est que leur lucidité sur la situation du christianisme contemporain n’a fait que se confirmer. Et elle oblige chaque chrétien et chaque communauté chrétienne qui ne font pas la politique de l’autruche à se déterminer en conscience et librement sur leur héritage chrétien, à l’actualiser et à lui donner corps à notre époque.
Marcel Légaut qui nous a quittés il y a vingt neuf ans nous a laissé une réflexion et une démarche décapante mais vivifiante dans ses deux derniers ouvrages qui sont comme son testament : « Un homme de foi et son Eglise » (DDB 1988) et « Vie spirituelle et modernité ». (Centurion/Duculot, 1992). Ils n’ont rien perdu de leur actualité.
Le dernier livre de John Shelby Spong vient d’être traduit aux éditions Karthala ( février 2019). Il est intitulé : « Pour un christianisme d’avenir » avec comme sous-titre : « Ni les anciens credo, ni la Réforme ne peuvent aujourd’hui susciter une foi vivante. Pourquoi ? ». Ses propos sont un décapage salutaire pour qui s’efforce de repenser la voie évangélique dans la culture actuelle.
Enfin, Joseph Moingt a publié en octobre 2018 « L’esprit du christianisme » (Temps présent). C’est un très grand livre. Il y montre comment, de la « prédication évangélique », écho des enseignements et de la pratique de Jésus, on a fait à partir du 3ème siècle un système religieux avec ses évêques, son fonctionnement clérical, son orthodoxie et son langage rituel inspiré de la liturgie juive. Doutant d’un déverrouillage de cette situation dans l’Eglise catholique, il lance un vigoureux appel aux laïcs à s’auto-animer et à témoigner de la liberté et fraternité évangélique.
On ne peut que noter la convergence des analyses et des appels des trois témoins, qui d’ailleurs ne sont pas les seuls. Pour les avoir lus attentivement et y avoir trouvé lumière et encouragement, je ne peux que vous inviter à vous y plonger vous-même personnellement et/ou en groupe. Le renouvellement d’un christianisme évangélique inspiré par la manière de vivre de Jésus appelle réflexion et engagement de nos propres existences pour un monde plus humain. Nos trois auteurs stimulent notre lucidité, notre vigilance et notre responsabilité.
Jacques Musset