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Qui perd la terre, perd son âme

Bruno Latour n’a jamais cessé d’interpeller philosophes, théologiens et scientifiques mais aussi le tout-venant dont nous sommes sur la mutation à laquelle nous conduit le Nouvel État de la planète en ce temps dit de l’Anthropocène. Il ramasse en quelques mots la mutation spirituelle qu’elle implique :

« Pour le dire de façon brutale, c’est la transcendance qui est devenue mensongère, pour ne pas dire diabolique, et c’est l’immanence, cette immanence méprisée par des siècles de spiritualité, qui devient désirable, morale et civique. L’horizontale a désormais préséance sur « la dimension verticale ».

Il prolonge le propos en invitant à transformer le langage de la prédication chrétienne. Il s’agit de saisir l’immanencecomme incarnation et l’imminence comme lutte contre le hors-sol. Il ne s’agit plus d’attendre ou de prêcher l’Apocalypse mais d’empêcher la fin du temps sous la forme totalement pratique, mondaine, objective, matérielle de la disparition du sol sous le poids des humains.

« L’originalité de ce temps, c’est d’ouvrir une situation qui n’est pas sans rapport avec les débuts du christianisme ».

On a beau dire que Marcel Légaut ne se positionnait pas en son temps comme un écologiste ... la radicalité de ses choix de vie, son attention à la qualité de l’immanence, son audace pour trouver des solutions viables, pour encourager l’humain créateur sur la voie qui est la sienne lui donne et nous donne une longueur d’avance dans le combat engagé. « Pour se libérer de la nature, il faut au contraire s’incarner davantage et rejoindre la chair en douleur d’enfantement »(Latour)

Nos débats d’idées peuvent sans doute y contribuer et plus encore nos pratiques d’action et de création pour une mutation en cours. Tel est le sens qu’il faut donner dorénavant à l’amour de la terre. « L’Église en appelle à l’Univers ! » prophétisait Paul Claudel.

Joseph Thomas