Il y a quelques mois, dans ces temps de tourmente et de tourments de l’Église, mon intérêt a été aiguisé par la découverte, dans une toute simple librairie de banlieue, d’un livre (paru il y a quelques années déjà, mais pas trop cependant), au titre un brin provocant, œuvre d’un jeune dominicain belge, bien plus jeune que la majorité – dont je fais partie – des membres de notre association. Cette lecture a fonctionné pour moi comme une bouffée d’air frais ; je ne parlerai pas de « saint esprit » à son propos (mais qui sait, si cela ne serait pas fort approprié…), ou esprit sain, pour le moins, de pouvoir prendre ainsi du recul sur les habitudes de pensée…
Les pensées dont il s’agit ici concernent l’Église, bien sûr, mais plus globalement le christianisme. Le livre paru en 2018 aux éditions Salvator, et réimprimé en septembre 2021, de fait juste avant la publication du rapport de la CIASE (si mes souvenirs sont bons), s’intitule : Le christianisme n’existe pas encore, son auteur en est Dominique Collin.
D’emblée j’ai « entendu » dans ce livre très revigorant que, même si je m’étais éloignée de l’Église et en quelque sorte du christianisme, depuis quelques décennies, rien n’était perdu en fait. Ce serait, me suis-je dit, comme si « le train » pris par certains d’entre nous dont moi-même, vers le « Royaume », à notre grande surprise, n’était pas encore parti vers sa véritable destination, et que le « paysage » que nous avions vu défiler à la fenêtre ne serait qu’images, affichage, publicité, discours bricolés, etc, mais que le vrai voyage restait à faire, et que le billet pris il y a tant d’années restait toujours valable… À honorer.
Si j’ai pensé ainsi, c’est que le ton de l’auteur est malicieux, tout en étant très sérieux sur le fond. Mais en décalé. S’attachant au « Royaume » évoqué souvent par Jésus, il souligne combien ce message est difficile, voire impossible à mettre en pratique au long de la vie, même quand on y adhérerait idéalement. Dans la pratique de nos vies, comment renoncer à notre « Moi » pour la Vie du Royaume ? Il parle de notre déception. Et de là les manœuvres diverses de chacun pour se détourner de ce sentiment d’inadéquation, d’impuissance, en cédant en particulier à l’usage de la langue de bois, « langue de buis » dit-il (on pourrait ajouter « langue d’abus » malheureusement aussi), c’est-à-dire des paroles qui font « bien » dans le « paysage », mais qui ne sont pas parlantes de fait, et que les uns délivrent à foison, et dont les autres tentent de « se remplir », mais en vain. Notre peur du « vide ».
Personnellement cette lecture m’a permis d’abandonner, au moins pour un temps, un point de vue « accusateur et juge » vis à vis de l’Église, et de ses membres, dont ses clercs. Et de me dire que nous sommes tous, à des places et des degrés divers, sur « le seuil » du Royaume, sur le parvis. Et de temps à autre, à notre heure, nous mettons-nous à « frapper à la porte », et la porte peut-être s’ouvrira-t-elle, s’entr’ouvrira-t-elle ?
Anne Seval