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DEVENIR DISCIPLE DE JÉSUS (2)

Jadis, nous étions trop facilement chrétiens. En pays de chrétienté, il suffisait de faire comme tout le monde pourêtre chrétien, pour être chrétien comme on pensait que cela suffisait de l’être. Heureusement que depuis vingtsiècles, il y a eu des chrétiens qui ne se contentaient pas d'être comme tout le monde. C'est grâce à eux que l'Église a pu vivre à peu près et, au vingtième siècle, est encore suffisamment vivante pour espérer qu'elle survivra àla crise vigoureuse qu'elle traverse maintenant.

Nous sommes à une époque, et sans doute cela va s'accentuer, où, pour être chrétien, il ne faudra plus fairecomme tout le monde parce que tout le monde fera autrement. Il faudra avoir du caractère pour être chrétien.Jadis, il suffisait d'être un bon garçon ou une bonne fille. Il faudra découvrir par le dedans la grandeur dumessage chrétien et, plus encore, la transcendance de celui qui en est l'origine. Et non pas simplement adhérer à une doctrine sur Jésus par bonne volonté, je ne dirai pas par crédulité quoiqu'elle y soit bien un petit peu, par docilité.

Certes, nous avons besoin de l'Église, c'est grâce à elle que nous avons cru en Jésus, mais entre croire en Jésusà travers une christologie, une doctrine, un catéchisme, et croire en Jésus parce qu'on l'a rencontré comme l'ontrencontré les premiers disciples qui n'avaient pas de christologie à leur disposition, c'est tout autre chose.

Dans les conditions où nous vivons, il est probable que ne resteront chrétiens, et en tout cas des chrétiensqui aideront l'Église à vivre, que ceux qui, à leur manière, selon leur temps, suivant leur cadence, arriveront àactualiser, à se rendre réel ce que Jésus a vécu avec ses disciples, et ainsi ce Jésus, qui est né et est mort il y avingt siècles, leur deviendra plus présent dans leur vie quotidienne que les gens qu'ils rencontrent. C’est ce quej'appelle «devenir disciple».

C'est autrement plus exigeant que d'étudier des livres de théologie. Je ne dis pas que les livres de théologie nesont pas utiles mais ils sont insuffisants. On peut être un excellent théologien suivant les normes universitairessans être le spirituel qu'il faut être, qu'il faut devenir pour être un disciple, parce qu'il ne s'agit pas de savoir cequ'il faut penser de Jésus, il faut en vivre.

Dans nos milieux intellectuels, on confond souvent penser et vivre. Vivre exige certainement qu'on pense etmalheur à ceux qui croient vivre sans penser ou contre la pensée. Cela suppose de la part de chacun d'entrenous un effort qui transforme la vie, une conversion par le dedans qui n'est peut-être pas ébouriffante, claironnante, mais qui est profonde, qui commence et ne se termine pas, la conversion de toute la vie. (à suivre)

Marcel LÉGAUT, Bruxelles 1976
Marcel Légaut Arcles et conférences
Cahier 8 Tome II  (Ed. X. Huot)