En ACML, on se réunit (à Mirmande, ou autre), par rapport à un Essentiel dont on ne peut à peu près rien dire (ni communiquer, ni enseigner), mais on se réunit quand même ; on est très attaché à ces rencontres… et on consacre beaucoup d’énergie (matérielle, physique, psychique, et spirituelle, aussi, certainement) pour que cela puisse se faire (« avoir lieu »), et continuer à se faire (pour soi et pour d’autres que soi), dans une durée que l’on ne peut concevoir autrement que de ne devoir jamais s’interrompre, car inscrite dans une chaîne d’engagements se transmettant, comme la vie elle-même se transmet, au long du temps, en nous, par nous, à travers nous, au-delà de nous. Chaîne dans laquelle nous avons pris place, chacun à notre tour et à notre façon, et qui aurait débuté il y a maintenant quelques cent ans. Alors ce centenaire, certains d’entre nous ont décidé et entrepris de le fêter avec le plus bel enthousiasme cette année ! Joie !
Dans « ce temps-là », qui est le nôtre, où nous nous situons, nous enracinons, et nous ouvrons à « cela qui nous dépasse », que puisse encore et le plus longtemps « avoir lieu », dans le sens le plus concret et fort de ces mots, cet impalpable et très réel « quelque chose » qui nous fait nous réunir… à la fois toujours et jamais le même, toujours le même et un autre.
Ainsi, cette année de centenaire, (quatre fois 25 ans ! 25 ans, c’est l’âge qu’avait Marcel Légaut lorsque le « groupe » a débuté…), nous aurons un colloque, des concerts, une exposition itinérante, des éditions et rééditions, en plus des rencontres habituelles, et encore d’autres perspectives et d’autres projets… que nous espérons pouvoir entreprendre…
Ne pas interrompre le lien entre nous, qui se nourrit de la présence de chacun à soi-même et aux autres (en « présentiel » ou en pensée, et surtout de cœur), ni interrompre ce mouvement qui nous anime, ET accepter de ne se tenir que dans l’inachevé : voilà le champ, le « paysage », le chemin dans lesquels nous avançons, la gageure… Pour être vivants il nous faut tenir ces deux postures.
Pour finir… sans finir, j’aurais envie d’évoquer un artiste tout à son œuvre : Paul Cézanne, qui peignait de très belles choses dans les années-mêmes où Marcel Légaut était enfant, et dans une région proche de notre Drôme. Allant sans cesse « au paysage » en toutes saisons, et travaillant « sur le motif », toujours sur le motif, ce qui était pour lui une nécessité intime, d’une force qui le dépassait et à laquelle il s’affrontait chaque jour, sans ménagements, dans cet « inachevé », dont il y aurait beaucoup à dire sûrement, il tenait bon. Il allait.
Anne Seval
(dessin A.Seval)
NB: le petit livre de Marie-Hélène Lafon écrit en 2023 intitulé « Cézanne » vient tout juste de paraître en livre de poche en ce mois d’avril… Elle aussi elle va « sur le motif » et c’est très riche !