Né le 9 septembre 1870 à Foy les Etangs (Oise), il est élève maître à l’Ecole Normale de Beauvais en 1888, stagiaire en 1889. Il exerce à Clermont de l’Oise de 1889 à 1893 (avec une interruption pour le service militaire de 1891 à 1892) ; il devient boursier de licence à Caen en mathématiques (1894-1896) puis boursier d’agrégation en sciences mathématiques et ès sciences physiques, arrêté par un échec au seuil de l’agrégation « il s’est formé tout seul, avec de très pauvres ressources » et dispose de l’appui ferme du doyen des sciences de Caen. Il demande un poste de professeur délégué dans les écoles primaires supérieures de la Seine le 28 avril 1898, et obtient un poste à l’école Colbert de 1898 à 1909.
A cette occasion, il bénéficie d’appuis solides dans l’Université, aussi bien avec le Doyen de la Faculté des Sciences de Caen, qu’auprès du Directeur de l’Enseignement primaire de la Seine. Le Doyen envoie au Ministre une lettre de recommandation faisant valoir qu’à côté des appuis politiques, inexistants en l’occurrence, la valeur des titres universitaires devrait permettre le choix d’Alphonse Légaut. Le vice-recteur de Paris écrit au Ministre que « M. Légaut impose sans peine son autorité aux élèves, enseigne avec clarté, obtient une bonne discipline et beaucoup de travail. A la dernière inspection générale, M. Koenig a été satisfait de lui et de ses élèves. Je crois pouvoir ajouter que c’est un excellent mathématicien ; ses succès comme boursier à l’Université de Caen puis à l’Université de Paris le prouvent bien.
Enfin, M. Légaut est un primaire ; je l’ai connu à l’Ecole Normale de Beauvais… je l’ai suivi…Il s’est toujours signalé par son énergie au travail et son aptitude à l’enseignement. Il a, en outre, le grand mérite de s’être formé tout seul, ayant eu le courage de préparer baccalauréat et licence avec de pauvres ressources et dans des conditions les plus difficiles. M. l’Inspecteur d’Académie directeur de l’enseignement primaire de la Seine appuie ces conclusions… »
Un emploi du temps permet de saisir, fugitivement, son rythme de vie professionnelle : lundi après-midi, mardi, mercredi, jeudi matin, vendredi après-midi et samedi matin. Sur le pont tous les jours.
C’est alors qu’il se marie le 13 mai 1899, avec Louise Perrichet, née à Paris le 25 juillet 1877, dont le père est artisan tapissier. Il a deux enfants, Marcel Légaut en 1900.
En 1901, sa première inspection est mauvaise : 70 minutes sans un mot d’élève. Cours magistral, dirions-nous. Et le conseil est simple : le livre contenant la matière de sa leçon, il doit mieux utiliser celui-ci, ne serait-ce que pour soulager l’élève en partie de l’écrit.
En 1903, il a évolué, sa méthode est plus active, il lui est conseillé de ne pas recopier le manuel. En 1907, son traitement est de 4 400 F.
En 1909, son inscription est sollicitée au Ministère pour la liste des candidats à l’emploi de professeur de mathématiques au collège Chaptal. Il a le soutien de l’inspecteur général qui l’a suivi à l’E.N. de Beauvais et qui s’exprime en sa faveur : Alphonse Légaut est en adéquation avec ce poste, car « c’est un primaire qu’il nous faut ».
Manifestement, il a pris de la bouteille : il a d’excellents résultats au bac en 1910, est devenu officier de l’instruction publique en 1901 ; dans cette sixième année de collège il a de l’entrain, conduit avec sûreté sa classe.
La guerre vient le réquisitionner du 2 août 1914 au 1er octobre 1917, avec plus d’un an de campagne (9 janvier 1916 au 11 mai 1917), en tant que sous-lieutenant de réserve. Il reprend le sillon à l’issue de la guerre, puisque de 1909 à 1929 (date de sa retraite), sauf la période de guerre, il demeure au même poste dans le même établissement.
En 1920, son enseignement est intéressant, peut-être trop élevé, mais il n’y a guère que cinq ou six élèves qui ne puissent le suivre avec profit.
L’an suivant, ayant tenu compte de la remarque et du refus de lui accorder une promotion compte tenu de cet enseignement « élitiste », il est parfaitement à sa place.
En 1922, il a six élèves en philosophie et a pour eux un souci d’éduction scientifique.
En 1924, l’inspecteur général se reprend à protester contre la cloche qui vient rompre le charme, et en 1926-27, on sent le bilan solide, positif, qui reste certes élitiste : « excellent professeur, a fait obtenir à ses élèves de très belles récompenses… il dirige… l’interrogation…de façon magistrale et qui profite énormément à ses bons élèves. »
Notes
- Archives Nationales, F 17 24082
- FOUILLOUX (Etienne), « La traversée du siècle », Marcel Légaut, un chrétien en son siècle, Actes du Colloque Marcel Légaut de Lyon, 2000, p. 45
- LEGAUT (Marcel), Patience et passion d’un croyant, Paris Centurion, 1976, p. 8
- Carnet d’adresses de l’Abbé Gaudefroy, archives familiales.
- LEGAUT (Marcel), Prières d’un croyant, Paris, 1933, p. 89 et 134, (2e édition 1947)
Les archives permettent donc de donner –un peu- de corps à ce père et conforte l’intuition d’Etienne Fouilloux sur l’enfance –et l’adolescence- « vouée à la reproduction du modèle paternel : en 1919… j’ai voulu me faire prêtre… Mon père m’a dit… « Tu entreras au séminaire plus tard, sois d’abord agrégé de mathématiques ». (3) Toutefois, derrière ce conseil, il y a aussi une prudence, celle d’asseoir une ressource solide au cas où…Oui, « un honnête foyer parisien fier de ses deux garçons », avec une aisance rendant possible une résidence secondaire à Saint-Brévin l’Océan (Loire Atlantique) où l’Abbé Gaudefroy lui a écrit durant l’été. Si sa mère est au foyer, est-ce elle qui est évoquée dans Prières d’un croyant en 1947 : « L’enfant naît, et sa mère en lui donnant la vie, lui lègue aussi sa foi. Il va grandir, ses premières années tout baigné de la foi familiale. Et sa première communion brille dans son souvenir d’homme comme un sommet de pure et douce foi virginale. Jamais le doute n’est encore venu ternir la candeur de son âme. Sait-il bien ce que c’est que croire, lui qui ne sait pas encore qu’on peut douter ? Heureuses années, souvent nombreuses, où la petite plante devient arbuste à l’abri du vent et de la tempête… »
Ou, plus loin :
« Combien de parents ont, depuis, refait le même chemin. Combien de mères, après Marie, ont connu la même joie. Douceur de la famille chrétienne, toute faite de possession amoureuse et d’assurance, toute faite de satisfaction intime et de sécurité, tu détournes les yeux des hommes de l’autre réalité, celle qui blesse et qui tue, celle du péché et du mal qui ronge les corps et les cœurs, les tue et les profane. Et l’enfant naît, c’est la joie pour les siens, jusqu’au jour où il devient un homme.