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La Croix - samedi 25/07/2009

Dossier : Le carmel de Mazille vibre au chant du monde.

Le philosophe et les carmélites ont cultivé pendant vingt ans une amitié profonde, fondée sur une quête commune.

Une passion inextinguible pour la figure humaine du Christ, ainsi que le travail de la terre. C’est sur cesdeux terreaux que les carmélites de Mazille et Marcel Légaut ont cultivé une profonde amitié. Atypique,inclassable... Les adjectifs n’ont pas manqué pour caractériser ce philosophe chrétien né en 1900, passépar Normale Sup, l’agrégation et l’enseignement des mathématiques avant d’effectuer un retour à la terreen 1940, en devenant berger dans la Drôme, avec sa femme et leurs six enfants.

Sur le conseil d’amis, Marcel Légaut se rend pour la première fois à Mazille au début des années 1970.Les carmélites viennent alors tout juste de quitter Chalon, cherchant elles aussi à se rapprocher de la nature. Les deux expériences se rejoignent. C’est l’époque où prennent fin les longues années de « jachèreintellectuelle » de Légaut, avec la parution d’ouvrages [ref]Comme Introduction à l’intelligence du passé et de l’avenir du christianisme et L’Homme à la recherche de son humanité (Aubier).[/ref] qui le font reconnaître auprès des chrétiens de son temps comme un authentique spirituel.

Leur amitié n’a jamais cessé de croître. Durant ses longs séjours à Mazille, l’ancien mathématicien partagela prière des carmélites et prend la parole chaque soir, à l’office. Combien de fois leur a-t-il répété -comme à tous ceux qu’il rencontrait en France et en Europe - que « l’essentiel ne s’enseigne pas, il setransmet » ! « Il nous a encouragées, témoigne Soeur Marie-Paule, dans l’alliance entre notre vie« paysanne » et notre vie spirituelle. » Chercher à comprendre l’humanité du Christ : cette autre quêteinlassable de Marcel Légaut rejoignait également une intuition profonde de sainte Thérèse d’Avila.

« Nous nous sommes aussi retrouvés sur le plan de l’intériorité, ajoute Soeur Marie-Agnès. Sur l’importance vitale de se mettre à l’écoute de ce qui monte en soi. » Des mots qui font écho aux paroles de cet « homme en chemin » : « Pour être présent à Dieu, il faut être présent à soi-même », écrivait Marcel Légaut.

De son côté, « la communauté l’a aidé à découvrir le sens de la liturgie, indique Soeur Marie-Paule, alorsque pendant très longtemps, les psaumes étaient restés pour lui des textes hermétiques. » Le lendemain desa mort en novembre 1990, elles lui rendent un dernier hommage, dans La Croix : « Marcel Légaut apassé sa vie à devenir chrétien. Dans une quête jamais close, que la double question « Qui êtes-vous,Jésus ? » et « Qui suis-je ? » tenait en haleine. » Au carmel de Mazille, un ermitage porte aujourd’hui son nom.

Marie DANCER