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Il est un mot que l’on croise souvent dans les ouvrages de Marcel Légaut, c’est celui d’ « intériorité » qui, au début, ne manque pas de nous intriguer. Que peut-il se cacher derrière ce terme qui nous renvoie vers l’intérieur de nous-mêmes ? Qu’allons-nous découvrir en creusant dans ce lieu si personnel et pourtant si inconnu ? Nous connaissons notre histoire, les événements qui ont jalonné notre vie, nos faits et gestes, les choix que nous avons faits, les rencontres qui nous ont marqués… mais à certaines heures où nous sommes plus présents à nous-mêmes que d’habitude, nous percevons que tout ce bouillonnement est sous-tendu par « une action qui est de nous, qui ne peut pas être sans nous mais qui n’est pas que de nous ». Alors se présente à notre conscience une nouvelle question qui, lorsqu’elle nous a visités une fois, ne cesse de nous hanter : Quelle est la source de cette action ? « Question qui ne supporte aucune réponse vraie, mais sans cesse en suggère quand elle reste vivante » (Prières d’homme de Marcel Légaut). Comme les jeunes filles de l’évangile il nous faudra veiller avec des soins infinis sur cette petite flamme pour qu’elle reste allumée en nous. Nous ne pourrons le faire sans accomplir un « effort d’intériorité », souvent difficile dans nos vies envahies de tâches à accomplir. Ce n’est qu’en consentant à nous arrêter de temps en temps, à prendre de la distance avec ce que nous vivons au quotidien que nous parviendrons à décoller de tout ce qui est contingent.

Il faut avoir fait l’expérience de la retraite pour comprendre en quoi elle peut nous aider dans cette démarche. D’abord le dépaysement, la rupture, condition indispensable à cette mise en présence de soi. Dans notre cadre habituel nous sommes perpétuellement sollicités par des « urgences » qui bien souvent nous distraient de l’essentiel. Ce temps de mise à l’écart favorise également le silence sans lequel il ne nous est pas possible d’accéder à ce qui nous habite au plus profond, à écouter ce qui se murmure en nous.

C’est alors que nous laisserons émerger cette aspiration à une vie authentique, vraie, où tout ce que nous vivons prend sa place. Nous n’aurons sans doute aucune révélation fracassante dans une lumière éblouissante. Après cette halte bienfaisante, nous reprendrons le cours de notre vie mais, à certains moments, toujours inattendus, par petites touches discrètes, nous sentirons sourdre en nous la fraîcheur de cette source et la paix nous envahir. Nous goûterons alors la joie d’être.

« O toi qui es toi-même dans le fond de mon être
Donne-moi d’être attentif dans le fond de mon être
Reçois de moi l’accueil de mon attente dans mon silence »

Françoise Servigne