• Enteteautrespages

En 1972, deux des livres clés de Marcel Légaut sont sortis chez l’éditeur Aubier, L’homme à la recherche de son humanité et Introduction à l’intelligence du passé et de l’avenir du christianisme. A l’affût de la nouveauté, les intellectuels catholiques organisent, sous la houlette d’un historien, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure (ENS), Marc Vénard, un débat entre l’auteur et un théologien, jésuite, le père Varillon, que Légaut retrouvera sur sa route [ref]LEGAUT (Marcel), VARILLON (François), Débat sur la foi, DDB, Centre Catholique des intellectuels français, 1972.

A lire ce bref et dense texte, presque 40 ans après, je suis stupéfait de l’extrême exigence du débat, voire de son âpreté dominée.

Par souci de clarté, Marcel Légaut définit son nouveau livre comme un livre de cheminement, qu’il oppose à un livre de doctrine. Le souci de la parole juste, prononcée en authenticité est une exigence radicale exprimée par exemple dans une des lettres des Granges à l’abbé Gaudefroy (1er mars 1948)

… Moi que me suis trouvé acculé à ne plus croire aux idées que dans la mesure où elles s’incarnent dans le réel …

Du coup, des propos sévères sont tenus vis-à-vis du théologien : « vous êtes théologien, vous parlez de Dieu beaucoup plus facilement que moi, et je vous le reprocherai volontiers » (p. 72 et 74). Mais le théologien accumule les « erreurs » possibles, les précipices frôlés par Légaut et la charge n’est pas mince, elle est à relire (p. 23) : « subjectivisme, dualisme, agnosticisme, psychologisme, fidéisme, marcionisme, interprétation aventureuse de la rédaction des Evangiles, dévaluation excessive des miracles de Jésus…arianisme, aristocratisme spirituel… » Lisez, ou relisez vous dis-je.

Or Légaut, compréhensible, lisible, rendant volontiers des points sur le domaine de la religion juive au temps de Jésus (p. 63), met en valeur, ce qui a été estompé pour partie, la réalité du conflit dans l’Eglise. Caché, contenu, ouvert, il existe : « J’insiste avec force sur la nécessité de la coexistence de l’Institution et de la Communion, mais sans la montrer sous ce jour lénifiant où tout est harmonie et providentiel… Non, cette coexistence est rarement pacifique. » (p. 35).

A conseiller après la lecture de L’Homme à la recherche de son humanité pour comprendre les canaux de diffusion et les objections de théologiens ou avant le livre d’Etienne Fouilloux, François Varillon. Essai biographique, DDB, Paris, 2007, 221 p.