Prêtre, marié à 60 ans,, Jean-François Chenel laisse trois ouvrages - publiés à L’Harmattan- qui nous permettent de cheminer avec lui :
2008 L’appel des sens dans les évangiles (128 p.)
2012 Lève-toi et marche ! Mémoires d’un prêtre indigné (142 p.)
2016 La vie à jamais. Soliloques.
Décédé le 6 janvier 2020, il avait accompagné son épouse, Hélène, dans son cancer de la plèvre et annonçait, me semble-t-il, ce qui lui arriverait après le décès de son épouse : « Car sans toi, rien ne puis, rien ne suis » (2016, p. 69). Plusieurs fils sont à suivre pour intégrer ce qu’il a vécu et en vivre. À mes risques et périls, j’en retiens trois :
- L’existence menée, entre une famille aimante, un père à la forge pour travailler le fer entre l’enclume et le marteau (2016, p. 68), un post-soixante-huitard réactionnaire, la découverte de la polyphonie pour ce futur chef de chœur, l’importance dans sa vocation d’un prêtre mis à l’écart du fait de son engagement au Sillon, son regard sur l’actualités (les noyades des migrants en Méditerranée) avec une formation proche de l’Action catholique (« école de la foi dans la vie »), son engagement contre le harcèlement, ou son « immense respect pour les femmes, en particulier célibataires avec enfants, elles enchaînent des petits boulots dans les services, l’hôtellerie, la restauration et même le bâtiment », la blessure à vie du suicide de son frère, le bonheur de chanter en duo.
- Il analyse la crise actuelle de l’Église, outre le célibat des prêtres et la place des femmes, il lève la tête un peu plus loin que Marcel Légaut – attaché lui aux évêques –, et vise la curie romaine (dernière cour princière d’Europe disait toutefois Légaut) : elle « tient la dragée haute à tous les évêques et au pape lui-même » (2008, p. 14), ce que confirme la situation en 2019. À travers un évêque de Madagascar démis par le nonce (2008, p. 13), et à travers Mgr Gaillot, il caractérise son/notre Église comme « pauvre d’avenir, cependant l’été reviendra », plutôt par le biais de « l’Église du silence, celle des réprouvés, et des répudiés ».
- « À la réflexion, deux phrases ont modelé, intrigué et irrigué ma vie » (2012, p. 97-98), l’une étant de Marcel Légaut : « Entrer dans l’intelligence de ce que Jésus a vécu ». On s’apercevra un jour que Légaut a redonné sa place à la Passion. Elle était, depuis le XIIIesiècle, à la première place de la réflexion « dévote ». Légaut suscite une appropriation de la vie de Jésus, vie qui le conduit inéluctablement à la Passion. Du coup, on retrouve chez J.F. Chenel l’importance de ce passage (Luc 4,14-22) où Jésus, à travers Isaïe, découvre sa mission. Et, autour de la réflexion d’un auteur, le lecteur découvre l’étendue de ses méditations d’évangile (Faire la vie et refaire sa vie à propos de la Samaritaine), l’importance de la prière (plusieurs chapitres) et, à travers ce grand film, Des hommes et des dieux, les Cènes antées dans nos vies, découvertes après, comme à Emmaüs…
- Et tout cela, au milieu d’auteurs qui ouvrent des chemins : Théodore Monod, Camus, Feillet, Zundel, Bellet, Moingt… Dans une atmosphère où la musique est si présente : « Pour célébrer cet acte de foi, je cherchai un Ave Verumet ne trouvai que celui de William Byrd et de Wolfgang Mozart ; écoutez cette prière, les yeux clos, l’âme et le cœur suspendus, comme en croix, dans la nuit des offrants, des orants, des priants et des souffrants de tous les temps. »
La bibliothèque du salon vous attend à Mirmande avec Jean-François Chenel.
Dominique LERCH