L’itinéraire, la pensée et l’action d’Edouard Coeurdevey, directeur de l’Ecole Normale d’Obernai de 1928 à 1946
L'article avec illustrations a paru dans l'Annuaire de la société d'histoire et d'archéologie de Barr, Dambach, Obernai en 2011
par Dominique LERCH
Il y eut à Obernai, dans l’entre-deux guerres, une Ecole Normale destinée à accueillir, selon un mode confessionnel lié à l’absence de séparation des Eglises et de l’Etat, les futurs instituteurs catholiques. Edouard Coeurdevey (1882-1955) en fut l’un de ses directeurs durant près de vingt ans. A son sujet, se croisent deux interrogations : celui de l’encadrement de l’Education nationale et, à ce titre, le cas d’Edouard Coeurdevey est intéressant, du fait de son exceptionnelle durée, étrange d’ailleurs compte tenu des péripéties de Vichy ; celui des groupes qui se sont succédés au XXe siècle autour de Marcel Légaut, se reconnaissant lui-même comme le fils spirituel du Père Portal. Elève à l’Ecole Normale Supérieure, Marcel Légaut, fils d’un ancien normalien de l’Oise, arrive, grâce à Coeurdevey, à pénétrer le milieu des élèves de Saint-Cloud et donc, pour partie, l’encadrement du premier degré. L’entrecroisement de ce questionnement permet, nous semble-t-il, d’échapper à l’érudition locale et de conférer à Edouard Coeurdevey sa dimension historique.
Jeunesse et formation
En arrivant à Obernai en 1928, cet homme de 46 ans a été façonné par une double expérience :
- L’expérience familiale a été évoquée par son fils Jean. Edouard Coeurdevey est né dans le Doubs, à Verne, situé à 7 kilomètres de Baume-les-Dames. Son père est agriculteur et cordonnier. « Quat’sous » - car tel est son surnom - est l’aîné d’une « famille pauvre » de 7 enfants. Placé à 15 ans comme valet de chambre chez un sénateur, il obtient son brevet élémentaire en 1901 et, après des postes successifs à Lods et à Germondaux, exerce à Besançon en 1910. En 1928, l’inspecteur général Pécaut souligne ses qualités mais en même temps, étrangement, ses limites : « Monsieur Coeurdevey a le mérite de s’être fait lui-même dans son adolescence, simple domestique qui préparait ses brevets seul la nuit. On voit tout de suite qu’il est laborieux, homme de devoir, tout dévoué à sa tâche ». Sous couvert de reconnaître ses mérites, c’était en même temps prendre appui sur eux pour exprimer ses réticences : car, grâce à sa formation universitaire, le jeune homme n’avait-il pas bénéficié de « l’ascenseur social » ? Il fréquente l’Université de Besançon avant la première Guerre mondiale et, au moment où celle-ci éclate, il aura tissé de solides relations avec deux historiens bisontins fondamentalement opposés sur le plan politique, à savoir Jean Guiraud et Albert Mathiez. Comme l’indique son dossier professionnel, il obtient, sur le plan universitaire, deux certificats d’études supérieures : morale et sociologie ; sciences de l’éducation.
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