L’élaboration d’une œuvre spirituelle en communauté :
Marcel Légaut et son groupe (1925 – 2025)
A l’automne 1925, Marcel Légaut va faire une méditation sur l’Évangile à l’École Normale de Saint-Cloud : de Normale Sup et d’un groupe Tala lié au père Portal, un chemin s’ouvre dans la citadelle du premier degré, et directeurs d’École Normales, inspecteurs primaires, enseignants des Écoles Normales, se voient offrir une possibilité d’exercer leur mission d’enseignants au service de la République ET de catholiques. Cent après, quel est le constat ? Dans une Église où la crise moderniste a amené une atmosphère de délation et de refus de la société moderne – comme les apports de la science –, tout en intégrant la nécessité d’une évolution voire d’un aggiornamento, Marcel Légaut a publié une réflexion religieuse à partir de sa propre humanité, a rompu avec le milieu universitaire en s’implantant comme exploitant sylvo-pastoral dans la Drôme et, après force « topos » et « médit » a produit une œuvre qui rencontre, dans les années 1970, un public considérable : à la recherche de son humanité, il rencontre un vaste public lui aussi cheminant. Si l’on connaît bien le personnage, des zones d’ombre sont à éclairer, depuis le dépôt aux Archives Nationales d’une partie de ses archives : grâce aux archives déposées à l’Université de Louvain, son exploitation agricole, sa critique de l’Action catholique, sa recherche d’un éditeur pour un ouvrage de 900 pages peuvent être étudiés, entre autres.
Toutefois, il y a là une perspective qui s’arrête au personnage, bien campé dans un article de Paris-Matchde l’époque. L’originalité de sa démarche réside également dans l’existence, auprès de lui, présent en lui, d’un groupe, le groupe Légaut. Communauté de vie à Paris avant-guerre, séjour de vacances dans le Massif Central, une vie communautaire aux Granges-de-Lesches-en-Diois de 1946 à 1966, à Mirmande de 1967 à nos jours, avec des « moyens pauvres », des personnes se réunissant, pratiquant le silence, la méditation, réfléchissant à l’aide de la littérature, du théâtre, finissant leur journée par une écoute musicale, et tissant des liens à hauteur de vie. Légaut, avec sa malice, ne propose-t-il pas à ce groupe de considérer Albert Camus comme un Père de l’Église ! Il y a là à conduire, grâce à un temps long, l’examen d’un groupe original et où se détachent certaines personnalités qui le constituent : Marie-Thérèse Perrin créant une structure pour les mères célibataires mineures en délicatesse avec la Justice , avec l’appui d’ Annie Jaubert devenue une des spécialistes des premières communautés chrétiennes ; le père d’Ouince, un temps directeur des Études, supérieur et directeur de conscience de Teilhard de Chardin ; Pierre Voirin, instituteur puis éducateur avant de conduire le Centre national de formation de la PJJ… Enseignants du secondaire, du primaire, mais aussi éducateurs, chercheurs, chacun part trouver là un élargissement de son horizon, voire d’aider concrètement Marcel Légaut. Dégager quelques personnalités, analyser l’originalité de ce groupe s’avèrent une nécessité pour rendre compte de la durée d’un groupe dans l’Église, mais en marge .
Ce groupe n’est pas seul. Certes, tardivement, il adhère (à une faible majorité là où généralement règne une quasi-unanimité) au Parvis, rejoignant Boquen, des prêtres ouvriers, les cercles nés autour de Mgr Gaillot, … et, étudiant Drewermann ou aidant Golias, prend acte de la restauration à l’œuvre avec le Panzerkardinal. D’autres groupes, utilisant une des lois fondatrices de la liberté républicaine, la loi sur les associations, puis les textes sur les fondations, promeuvent des idées, des témoignages, des œuvres, des engagements : Fondation Teilhard de Chardin, Amis de Sulivan, Amis de Boquen, Association des membres du Parvis. Souvent ignorés des médias, peu audibles dans une Église officielle où la parole publique est portée par la seule hiérarchie, elles œuvrent inlassablement et proposent une réflexion en dialogue avec son époque, en rupture silencieuse avec le Syllabus et autres carcans réels mais éloignés de la réalité.
Il y a là un objet historique complexe, à dimension du temps (long), enraciné dans une société laïque et républicaine. Dans ce cadre, des contributions seront sollicitées auprès de témoins, d’historiens, de sociologues, de littéraires afin d’établir une présence originale, dans l’espace francophone, de groupes porteurs d’un dialogue entre recherche et institution ecclésiale. Et ceci,en explorant le siècle et l’ histoire de l’église au moins dans l’espace francophone. L’Association culturelle Marcel Légaut (ACML) s’engage financièrement à aider une journée d’études ou un colloque international, en 2024 ou 2025, en lien avec les Archives Nationales (à contacter), l’Association française d’histoire religieuse contemporaine (demande faite pour un lien avec sa journée d’étude en 2025).
Un comité scientifique (Étienne Fouilloux, Sylvie Barnay, Isabelle Saint Martin Bruno Maes , Dominique Lerch…) examinera les propositions d‘intervention puis les contributions écrites issues du colloque ou de la journée d’études, et œuvrera en faveur de la publication des Actes dans l’année suivante, avec l’aide d’un comité d’organisation, (président de l’ACML et de l’AML espagnole) tous deux en cours de constitution.
Dominique LERCH
Bibliographie : œuvre d’Étienne Fouilloux ; trois colloques Légaut ; site ACML ; deux articles de Dominique Lerch (Cœurdevey, Deffontaines).